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Le sort du Q400 pourrait se jouer dans les prochains mois

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La direction de Bombardier a pris tout le monde par surprise jeudi dernier en annonçant la vente des terrains de l’aéroport de Downsview et en refusant de dire où serait localisée la production du Q400.

 

Pour comprendre le refus des dirigeants de Bombardier de se prononcer sur le prochain emplacement de la ligne d’assemblage du Q400, il faut d’abord jeter un coup d’œil sur le passé de ce programme d’avion et le premier tableau que nous vous présentons fait l’historique des ventes et livraisons annuelles.

 

Livraisons et ventes annuelles Q400
Livraisons et ventes annuelles Q400

 

La moyenne annuelle des livraisons (voir la colonne à la droite du graphique) est à 31,7 appareils.

La moyenne des ventes annuelles est à 32,9 appareils; par contre elle est affectée par le nombre de ventes pour l’an 2000;  60 des 66 appareils comptés comme vendus l’avaient été avant le lancement de la production. Si on les extrait, la moyenne de ventes annuelles passe alors à 29,6 appareils.

 

Avec le prochain tableau, nous allons porter notre attention sur les cinq dernières années du Q400

 

Commandes et livraisons annuelles Q400 de 2013 à 2017
Commandes et livraisons annuelles Q400 de 2013 à 2017

 

La moyenne des livraisons annuelles qui est à 29,2 appareils en baisse de 2,5 par rapport à la moyenne historique; la moyenne des ventes pour cette période est de 30,6 appareils  légèrement au-dessus de la moyenne historique de 29,6. Contrairement à une croyance populaire, le programme d’avions Q400 n’a pas connu de ralentissement important de ses ventes au cours des dernières années. S’il arrive que certaines années il ne s’en vende presque pas, on remarque une stabilité du carnet de commandes de cet avion. Ce n’est donc pas pour rien que la direction de Bombardier affirme qu’il y a un avenir pour le Q400

 

 

 

Maintenant nous allons comparer les ventes du Q400 par rapport à celles de l’ATR-72. Le prochain graphique permet de définir les parts de marché du Q400 et de l’ATR-72 en comparant le nombre total d’unités livrées du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2012.

 

Parts de marché de 2000 à 2012
Parts de marché de 2000 à 2012

 

Comme on peut le constater, si on exclut les versions plus petites de ces deux programmes d’avions et que l’on compare le Q400 à l’ATR-72, durant ses 13 premières années c’est le Q400 qui a la plus grosse part de marché. Mais le prochain graphique nous montre un renversement de tendance pour les cinq dernières années.

 

Parts de marché de 2013 à 2017
Parts de marché de 2013 à 2017

 

Comme nous l’avons démontré dans les graphiques précédents, les ventes du Q400 se sont maintenues au cours des cinq dernières années avec 153 ventes pour la période. De son côté, l’ATR-72 a vu ses ventes exploser avec un total de 405 commandes pour la même période. La dernière version de l’ATR-72, l’ATR-72-600 a nettement eu le dessus sur le Q400. Pour la seule année 2017, il s’est vendu 112 ATR-72-600 contre 47 Q400. Deux grosses commandes expliquent à elles seules cette situation: celle de 50 avions placée par Indigo et celle de 30 avions placée par Fedex.

 

Le manque de productivité de la chaîne d’assemblage du Q400 est bien connu et afin d’augmenter la valeur du Q400, Bombardier a réussi à faire passer sa capacité, qui était de 72 sièges, à 80 à 90 passagers. Cette amélioration lui permet de tenir tête à ATR pour les commandes de 25 appareils ou moins. Mais lorsqu’il s’agit de donner de gros escomptes pour des commandes de plus de 25 appareils, Bombardier ne dispose pas de la marge de manœuvre nécessaire. Pendant ce temps, ATR augmente son volume de livraisons ce qui va lui permettre de réduire encore plus son coût de production et éventuellement sortir le Q400 du marché. Pour rester dans le coup, Bombardier devra absolument réduire le coût de production du Q400.

 

Le mutisme de Bombardier sur le prochain lieu de production du Q400 a un lien avec le fait que la convention collective des employés d’UNIFOR vient à échéance cet été. Remarquez que depuis deux ans déjà, Bombardier a en main une entente avec le syndicat afin de pouvoir externaliser la production du poste de pilotage et des ailes du Q400. Si cette option n’a pas encore été utilisée, c’est sans doute parce que Bombardier pense pouvoir obtenir encore plus de concessions de la part de ses employés syndiqués.

 

La stratégie d’UNIFOR face à la vente des terrains à Downsview était de s’opposer à toute demande de dézonage et de demander une compensation financière advenant une relocalisation dans la région de Toronto. La stratégie d’opposition du syndicat est tombée à l’eau avec l’annonce de la vente à un acheteur qui s’est engagé à prendre les terrains tels qu’ils sont zonés et à faire lui-même les démarches de changement de zonage. En plus, Bombardier laisse planer le doute sur la relocalisation de la production du Q400. Le syndicat a perdu tout rapport de force face à l’employeur alors que la convention collective tire à sa fin et que l’avenir des emplois sur la chaîne d’assemblage du Q400 est menacé. UNIFOR va devoir faire de grosses concessions afin de sauver les emplois du Q400 à Toronto.

 

L’autre variable importante, c’est l’élection provinciale du 7 juin prochain en Ontario. Faudra voir à jusqu’où iront Doug Ford et les conservateurs ontariens dans le « Bombardier bashing » afin de récolter des votes. Si les conservateurs devaient l’emporter, leur manque d’intérêt envers Bombardier pourrait faciliter la décision de relocaliser le Q400 en dehors de l’Ontario, et ce assez rapidement.

 

À ce stade-ci, bien malin est celui qui pourrait prédire avec certitude où se retrouvera la ligne d’assemblage du Q400 dans les prochaines années. Par contre, les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de ce programme.

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14 avis sur “Le sort du Q400 pourrait se jouer dans les prochains mois

  • louis martineau

    Très bonne vue d’ensemble sur le devenir du Q400

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  • Ils n’ont ramasser que 635M $US pour les terrains à Downsview. Donc ils n’ont les moyens de déménager deux programmes en même temps à moins d’empocher l’argent tout de suite et déménager dans 4-5 ans. Le Q400 ne sera profitable que s’il déménagera dans un endroit moins cher.

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    • André Allard

      Empocher tout de suite et attendre de 3 à 5 ans avant de déménager, c’est exactement ce que prévoit l’entente avec l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public.

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  • Eric Tremblay

    La tactique d’Unifor a quant même fait perdre plusieurs $100M à BBD. Ces terrains vallaient près de $2B (une fois dézonés).

    Pas sûr que je voudrait encore faire affaire avec Unifor… C’est quoi le prochain sabotage d’actifs qu’ils sont prêt à faire?

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    • André Allard

      Tu peux être certain que BBD va leur remettre sous le nez pour justifier le rejet de toutes demande d’UNIFOR

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  • Parlant de productivité, pour ceux qui ont déjà visité les lignes d’assemblages des CRJ et Q400, technologiquement nous sommes très loin de ce qui se fait en Europe, nous sommes encore en 1975 (c’est mieux avec les CS mais encoire) alors qu’en Europe ça ressemble plutôt à ceci:

    https://youtu.be/ZogsQuCG4xI

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    • Faut pas exagérer. En 75, ils étaient au rivet à chaud !!!

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      • Je n’exagère pas, tout est fait à la main, pratiquement aucune automatisation.

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        • C’est pas grave, ils sont payé en canadien et les autres en EUROS, Dollar US ou yen japonais. Dans cette situation L’AUTOMATISATION, ÇA SERT À RIEN !!!!

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    • Pour le CRJ c’est étonnant parce qu’ils en ont vendu beaucoup dans les années 80-90 et une automatisation minimal aurait être planifier à un moment donné.

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  • Il est difficile de faire une comparaison parfaitement adéquate entre l’ATR72 et le Q400, car ces deux appareils possèdent des caractéristiques propres répondant à des besoins distincts.
    L’ATR72 est mieux adapté pour le fret. C’est pourquoi FedEx en a acheté plusieurs. Le Q400 est mieux adapté au transport à volume élevé de passagers. C’est pourquoi SpiceJet en a acheté plusieurs.
    Est-ce qu’une baisse des coûts de production pour l’ATR changerait vraiment cette donne au point de « sortir le Q400 du marché »? Peut-être, mais j’en doute.

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    • Pourquoi l’ATR mange le Q400, c’est parce qu’il a été conçu pour les distances de moins de 500 mn. Plus que ça, ce sont les RJ qui prennent la relève. Si le prix du carburant monte sévèrement, le Q400 ne pourra que piqué des ventes aux RJ parce que l’ATR sera encore plus économique. Regarder les endroits où le Q400 font de bonnes ventes ce sont de grands pays (russie, Canada et pays africains entre autres) ou des endroits montagneux où ça prend de la puissance pour passer les montagnes (Inde).

      Si le Q400 pourrait se vendre en bas de 20M $US, là les choses seraient différentes. Je pense qu’il est trop tard pour ça parce qu’ATR à presque noyer ce segment marché.

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  • Je trouve très intéressante l’analyse d’André. C’est un bon portrait de la situation. On voit bien les enjeux d’avenir concernant le Q400. Les difficultés sont surtout liées à la production : inefficacité et coût trop élevés. Et les solutions ne semblent pas nombreuses. Elles se limitent aux concessions des travailleurs, à la délocalisation ou au soutient possible de l’État.

    En somme, l’avenir n’est pas rose pour le secteur avions commerciaux de Bombardier… Il n’y a que le titre boursier qui s’envole! 🙂

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  • Je trouve très pertinentes les analyses sur l’état du développement de Bombardier avions commerciaux. Mais, je considère que les comparaisons entre Bombardier et les géants que sont Boeing et Airbus ont des limites.

    Airbus est le fruit d’un gigantesque consortium comportant des ressources considérables provenant de plusieurs pays du G7 ayant des économies solides. Boeing est une vieille et très riche entreprise américaine bénéficiant d’une coopération financière illimitée de la part de son gouvernement, notamment en matière de défense.

    Il n’y a pas de juste comparaison qui tienne entre ces deux géants et Bombardier.

    Compte tenu de la petite taille de Bombardier et de la faiblesse de ses moyens financiers, il est remarquable de voir ce que cette petite entreprise, originaire de Valcourt, a pu accomplir en peu de temps.

    Par exemple, nous verrons bientôt quelle est la véritable valeur de la C Series. Airbus, son ancien détracteur tout azimut, deviendra son plus ardent promoteur! Comme quoi, la qualité de ce qu’on produit à petite échelle au Québec est de grande classe mondiale, et, autant, sinon meilleur que ce que produise les géants américains et européens.

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