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Les deux défis du projet Bell Nexus

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Première partie : la certification

 

Alors que le fabricant d’hélicoptères Bell met de l’avant son projet de taxi aérien à la demande, nommé Nexus, nous nous penchons sur les deux grands enjeux auquel il fait face. Dans ce premier texte, nous allons aborder la question de la certification par les autorités de l’aviation civil en tenant compte de la règlementation actuelle et des modifications à y apporter.

 

Les aéronefs multi moteurs

Lorsque survient une panne moteur d’un ou plusieurs moteurs sur un aéronef multi-moteurs, la traction asymétrique exercée par le ou les moteurs encore en marche peut le rendre incontrôlable. C’est pour cette raison que les fabricants doivent faire la démonstration qu’il est possible de garder le contrôle d’un aéronef avec une panne moteur pour le certifier. Cela s’applique tant aux aéronefs à décollage vertical qu’à ceux à décollage horizontal. Cette règle est un obstacle majeur au développement des hélicoptères multi-moteurs ou multi-rotors; les rares appareils mis au point ont tous été développés en version militaire et n’ont pas besoin de respecter les normes civiles.

 

Afin de résoudre ce problème, le Nexus de Bell comporte six moteurs; chaque moteur représentant 16,6% de la puissance disponible, la panne de l’un deux entraine une moins grande force asymétrique. De plus, il suffit de couper la puissance sur le moteur opposé à celui en panne afin de rétablir l’équilibre. Les quatre moteurs encore en marche sont alors capables de fournir 66 % de la puissance disponible et devraient être en mesure de maintenir le Nexus en vol sans trop de difficulté.

 

La redondance

Dans le cas de la propulsion des avions de ligne, la redondance fait en sorte qu’il y a au minimum deux moteurs qui les propulsent et ils sont indépendants l’un de l’autre. Pour le Nexus, Bell a choisi une propulsion hybride, c’est-à-dire que des accumulateurs servent à fournir le courant électrique aux moteurs, tandis qu’une génératrice fonctionnant avec un moteur à combustion alimente les accumulateurs.

 

Lors d’une panne de la génératrice, les accumulateurs contiennent suffisamment d’énergie pour permettre au Nexus de se poser en toute sécurité. Advenant une défaillance des accumulateurs, la génératrice est en mesure de fournir suffisamment d’énergie pour un atterrissage d’urgence. Ce système est sans doute ce qu’il y a de plus fiable et sûr. Le principal obstacle à son développement dans le passé était le poids très élevé des accumulateurs, mais l’arrivée de nouveaux accumulateurs plus légers permettent de recourir à la propulsion hybride pour de courtes distances et à de faibles altitudes.

 

 

Bell nexus interieur
Bell nexus interieur

 

Les aéronefs sans pilotes

L’avion sans pilote est le fantasme des développeurs et chercheurs en intelligence artificielle. Même si la technologie est presqu’au point, la règlementation ne l’est pas et l’acceptabilité populaire n’est pas encore au rendez-vous.

 

Bell prévoit qu’à long terme, 15 à 20 ans, elle sera en mesure de faire accepter des aéronefs sans pilote aux autorités ainsi qu’au public. Mais d’ici là, il y aura un pilote à bord, mais avec un rôle et des compétences bien différentes des pilotes d’hélicoptères actuels.

 

Sur les avions de ligne les plus modernes comme l’A220, le système de commandes de vol reçoit ses instructions du pilote par l’entremise du manche et du palonnier qui envoient des impulsions électriques à l’ordinateur qui gère les commandes de vol. Mais sur le Nexus, Bell a fait disparaître le manche et le palonnier, l’interface entre le pilote et l’ordinateur sont deux petites roulettes servant à faire dérouler le menu sur les écrans d’ordinateur devant lui. Le pilote n’a donc plus aucun moyen direct de contrôler la stabilité de son aéronef et c’est l’ordinateur qui en a l’entière responsabilité. Sur les écrans devant lui, le pilote voit défiler les différentes options que lui suggère le système et il clique sur la solution de son choix.

 

Avec ce système, le pilote est un gestionnaire de vol; il accepte le parcours le plus adapté au vol que lui suggère le système, autorise le décollage après avoir évalué la sécurité de la manœuvre. Puis il suit l’évolution du vol afin de s’assurer que les paramètres de sécurité et d’efficacité soient respectés. C’est aussi lui qui approuve la descente finale et le lieu d’atterrissage, tout cela sans tenir les commandes de vol. Avec le Nexus, le pilote a le contrôle de l’ordinateur et choisira les actions à prendre grâce aux menus défilants sur les écrans devant lui.

 

L’espace aérien

Au Canada, la règlementation interdit aux aéronefs de survoler une zone habitée à moins de 1 000 pieds au-dessus de l’obstacle le plus élevé, situé à une distance de 500 pieds ou moins de l’aéronef mesurée horizontalement, à moins que ce ne soit dans le but de décoller ou atterrir. En autorisant les taxis aériens à voler à moins de 1 000 pieds au-dessus du sol, cela permettrait d’avoir un espace aérien à usage exclusif. Les autres aéronefs désirant traverser cet espace dans le but de décoller ou atterrir seraient obligés d’être munis d’un système de transmission de la position de type ADS-B.

 

 

Dans un espace aérien désigné où seuls les aéronefs qui y évoluent sont tous reliés au même système de régulation de vol, il est beaucoup plus facile de développer un aéronef autonome et sans pilote qu’une voiture sans conducteur ; en zone urbaine, la voiture évolue au travers des piétons, cyclistes, voitures de toutes tailles, autobus, camions légers et lourds ainsi que les animaux domestiques et sauvages. Ajouté à cela le comportement des individus qui change de manière inégale d’une journée à l’autre et il devient très complexe pour un système intelligent d’être en mesure de faire des prédictions et de prendre la bonne décision.

 

En créant un espace aérien désigné, où seuls les appareils autorisés y circulent en respectant tous les mêmes règles, on élimine les comportements aléatoires et la circulation devient prévisible. Les hélicoptères et avions qui traversent cette zone devront suivre des règles bien précises.

 

Dans les zones de contrôle à proximité des aéroports, un système de communication bilatéral entre l’appareil et le service de contrôle aérien doit être établi. Il n’est pas nécessaire que ce soit par radio, cela peut être un système automatisé de demande d’autorisation de circuler qui serait sous la supervision du contrôleur en charge du secteur.

Bell Nexus
Bell Nexus

Les lieux d’embarquement et de débarquement

Pour que le Nexus puisse connaître un réel succès commercial et qu’un nombre suffisants de personnes fassent appel à ses services, il faut qu’il puisse être accessible à peu près partout; en effet, si un résident de la Rive-Sud doit se rendre au Quartier Dix-Trente pour embarquer, puis atterrit sur le toit de la Place Ville-Marie et doit ensuite faire un autre 15 à 20 minutes de transport en commun, aussi bien prendre le REM pour une portion du prix.

 

La taille du Nexus doit être suffisamment petite pour lui permettre d’atterrir de manière sécuritaire dans une rue résidentielle de banlieue ou encore dans la cour d’une station-service. L’atterrissage dans certaines parties du centre-ville peut poser un plus grand défi, mais la présence d’un pilote à bord devrait permettre de contourner les obstacles de manière sécuritaire. Mettre au point une règlementation permettant au Nexus de se poser presque partout risque d’être complexe et surtout de faire face à beaucoup d’obstruction.

 

 

L’acceptation populaire

S’il y a une chose qui peut nuire considérablement au projet Nexus, c’est le bruit généré par les appareils. Puisqu’à ses débuts, peu de gens auront accès au service de taxi aérien, l’acceptabilité populaire sera plus difficile à obtenir et la tolérance au bruit sera très basse. En plus du bruit, la population devra accepter de voir défiler aux dessus de leur tête des taxis aériens à des altitudes beaucoup plus basses que les avions. C’est une adaptation qui sera sans doute très difficile car il y aura la crainte qu’un Nexus s’écrase sur eux.

 

 

 

Demain on parle du défi de la rentabilité du Nexus

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One thought on “Les deux défis du projet Bell Nexus

  • Gros Minet

    La seule façon que je connais pour éviter ce type de déséquilibre c’est de placer les moteurs sur un cerceau attaché au truc par un pivot muni de pales qui tourneront beaucoup plus lentement que celles d’un hélico standard. Le but de ça c’est de s’assurer que le truc descende tranquillement jusqu’au sol si quelque chose de très majeur se produit. Les moteurs auraient ne seraient pas orientés parfaitement à la vertical mais avec une petite inclinaison pour assurer un mouvement de rotation de l’ensemble. Penser à un système d’engrenage planétaire par exemple.

    Ça pourrait être des moteurs fixes qui actionneraient les pales avec un engrenage qui ferait le tour du cerclage mais c’est plus compliqué et ce serait moins sûr je pense. Je suis sûr qu’ils y ont penser mais peut-être trop cher à leur goût … comme un 737 redessiner à partir de zéro.

    Tant qu’a y être mettre 12 moteurs électriques plutôt que 6. Les moteurs électrique c’est pas cher.

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