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La sixième liberté de l’air au cœur de la stratégie d’Air Canada

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Ce texte est une reprise du 12 octobre dernier. Dans les jours à venir, nous publierons un article au sujet de la concurrence entre Air Transat et Air Canada et le texte qui suit donne des définitions qui seront utiles à sa compréhension.

 

Le 22 septembre dernier, le vice-président général et chef des affaires financières d’Air Canada, Michael Rousseau, a fait une présentation dans le cadre de la 15e Conférence annuelle de l’Est à l’intention des investisseurs institutionnels organisée par la CIBC. L’une des diapositives de la présentation de M Rousseau porte le titre suivant : « Tirer profit de l’emplacement géographique pour attirer le trafic de sixième liberté de l’air ».

 

Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de définir ce que sont les libertés de l’air : il existe en tout neuf libertés de l’air, mais seulement les cinq premières ont fait l’objet d’un accord formel entre les états membres de l’OACI. En résumé, la première liberté de l’air permet aux compagnies aériennes d’un pays d’utiliser l’espace aérien d’un pays tiers pour se rendre dans un troisième pays (un vol Montréal-Mexico qui passe aux dessus des Etats-Unis en est un bon exemple); la deuxième liberté permet quant à elle d’y faire aussi une escale technique pour le ravitaillement.

 

La troisième liberté permet aux compagnies d’un état membre d’embarquer des passagers dans son pays d’origine pour les débarquer dans le deuxième pays (un vol Montréal-Boston par exemple) alors que la quatrième liberté est la réciproque de la troisième (le vol de retour Boston-Montréal).

 

La cinquième liberté de l’air permet à une compagnie aérienne d’embarquer des passagers dans un autre pays pour les débarquer dans un troisième pays sans nécessairement passer par le premier (Air China utilise ce droit quand elle fait un vol Montréal-Cuba).

 

La sixième liberté de l’air ne fait partie d’aucune entente entre les états et est en fait une conséquence de l’addition de la troisième et quatrième liberté; si Air Canada a le droit par exemple d’embarquer des passagers aux États-Unis pour les débarquer à Montréal (quatrième liberté de l’air), elle a aussi le droit de rembarquer les mêmes passagers pour un vol Montréal-Paris (troisième liberté de l’air).

 

Puisque Air Canada a le droit d’aller chercher des passagers aux États-Unis pour ensuite les transporter n’importe où dans le monde, il faut donc s’interroger comment l’emplacement géographique peut lui être favorable. Rappelez-vous que dans l’hémisphère Nord, la trajectoire la plus courte entre deux villes décrit un grand arc de cercle qui passe par le nord. Cela fait en sorte que si vous prenez deux villes qui ont le même positionnement est-ouest (latitude) celle qui est le plus au nord (longitude) sera plus près de n’importe quelle autre ville de l’hémisphère nord. L’exemple des aéroports de Montréal-Trudeau et de John F Kennedy en est une bonne preuve puisque les deux aéroports ont à peu près la même latitude qui est de 73 degrés ouest, mais Montréal est 5 degrés plus nord que JFK. Ainsi la distance entre Montréal et Shanghai est de 7054 miles alors qu’à partir de New York elle est de 7377 milles soit 323 milles de plus.

Maintenant, si vous prenez un grand aéroport américain comme Dallas Fort Worth qui est pourtant plus à l’ouest, mais beaucoup plus au sud, là encore la distance entre Dallas et Shanghai est plus grande de 283 milles par rapport à Montréal. Il s’agit là d’un avantage plus important qu’il n’y parait à première vue, car contrairement à la croyance populaire les très longs vols sont ceux qui consomment le plus de carburant par mille parcouru. Ainsi une augmentation de 5% de la distance à parcourir pourrait entrainer une augmentation de 6 ou 7% de la quantité de carburant nécessaire. Cela revient à dire qu’un vol Montréal-Shanghai consomme probablement 6 à 7% moins de carburant qu’à partir de New York ou Dallas. L’autre facteur qui avantage Air Canada est l’encombrement des aéroports et des espaces aériens des grands centres aux États-Unis. Dans le passé il suffisait d’ajouter un nouvel aéroport quand celui d’une grande ville avait atteint sa limite ce qui a eu pour effet de congestionner le ciel au-dessus des grands centres urbains comme New York, allongeant ainsi le temps d’attente au sol avec les moteurs en marche.

 

Pour faire transiter les voyageurs internationaux à destination ou au départ des États-Unis, Air Canada joue donc à fond la stratégie des plaques tournantes qui pour fonctionner a besoin des conditions suivantes : un bon bassin de population locale avec une activité économique assez vigoureuse pour générer suffisamment de clientèle d’affaires. Il faut aussi qu’à moins d’une heure trente de vol il y ait de bons marchés secondaires capables d’alimenter les vols long-courriers. Puis il y a le positionnement géographique qui doit être avantageux. Air Canada dispose donc de trois plaques tournantes à fort potentiel avec Vancouver, Toronto et Montréal.

 

Le choix de Shanghai pour les exemples utilisés plus haut, n’est pas un hasard puisque vendredi dernier Air Canada a annoncé qu’elle desservirait cette ville à partir de Montréal à compter de février 2017. Montréal rencontre donc les trois exigences pour l’établissement d’une plaque tournante vers l’Asie puisqu’elle possède un bon positionnement géographique, un bassin de population suffisant avec un bon niveau d’activité économique et qu’à moins d’une heure trente de Montréal il y a plusieurs bons bassins de population secondaire, et ce de part et d’autre de la frontière.

 

Air Canada a beaucoup changé au cours des dernières années et elle est beaucoup plus compétitive qu’elle ne l’était avant, c’est ce qui lui permet maintenant d’avoir des visées sur la clientèle du très compétitif marché américain. Pour ce faire, au deuxième trimestre de l’année 2016, Air Canada a lancé 11 nouvelles liaisons internationales et 10 nouvelles liaisons transfrontalières avec les États-Unis, au départ des villes de Vancouver, Toronto et Montréal avec la part du lion pour Toronto. Il s’agit de la plus grosse expansion de son histoire et la proportion presque égale entre les vols transfrontaliers et internationaux est en ligne avec sa stratégie de tirer profit de l’emplacement géographique pour attirer le trafic de sixième liberté de l’air.

 

Pour que Montréal puisse tirer profit elle aussi de la stratégie d’Air Canada, il y a des irritants qui devront être réglés dont celui du temps d’attente aux douanes et de transition entre les vols. Car à Toronto, des ententes et un réaménagement permettent aux passagers qui arrivent de l’international de transiter rapidement et de passer les douanes américaines à l’aéroport Lester B. Pearson avant de repartir vers les USA. Il faudra donc qu’à Montréal tous les intervenants et décideurs, tant du monde politique qu’économique, mettent l’épaule à la roue pour aplanir les obstacles afin que Montréal puisse redevenir une plaque tournante de premier plan.

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