AérospatialeBombardier

Bombardier et l’âge d’or de l’aviation d’affaires

Pour partager cette publication :

 

Au premier trimestre de 2025, j’étais plutôt pessimiste sur les perspectives de croissance de l’industrie aérospatiale québécoise. À cette époque, le mot tarif était sur toutes les langues et l’avenir ne semblait être favorable. À plusieurs reprises, j’ai eu la tentation d’écrire afin d’expliquer le pourquoi et comment Bombardier serait affecté par la nouvelle réalité provenant des États-Unis. Heureusement, je me suis retenu et du point de vue éditorial c’était une excellente décision, car je n’ai pas à justifier mes changements d’opinion. 😉 En fait, plus j’analyse et je réfléchis sur le futur de Bombardier et plus j’ai des raisons de croire que cette entreprise va connaître une longue période de croissance et je vous explique pourquoi.

Concours REEE gagnez 2 500$

Un phénomène typiquement américain

Les Américains sont un peuple de voyageur et leur moyen de transport favori est l’avion. Il faut savoir que quatre des six plus grandes compagnies aériennes au monde sont aux États-Unis. En fait, les dix plus grandes compagnies des États-Unis opèrent un total ahurissant de 4950 appareils. En comparaison, les dix plus grandes compagnies aériennes européennes exploitent 3514 avions. De plus, c’est également la compagnie américaine Southwest qui a mis au point le modèle d’affaire des transporteurs au rabais (low cost). On peut donc affirmer que ce sont les Américains qui ont démocratisé le transport aérien et qui l’ont rendu accessible à tous. En aviation, aucun marché sur la planète n’arrive à rivaliser avec celui de l’Oncle Sam.

Le goût du voyage en avion du peuple américain se reflète également dans l’aviation d’affaires puisque 75% des avions utilisés à cette fin sont aux États-Unis. Dans ce cas bien précis, il s’agit d’une domination pure et simple. Ce sont donc les besoins de ce pays qui déterminent la taille, le poids ainsi que la distance franchissable des avions d’affaires. C’est pour cette raison entre autres que les cinq plus grands fabricants présents sur ce marché, dont Bombardier, y ont tous une empreinte industrielle. Le constat est facile à faire : l’aviation d’affaires est d’abord et avant tout un phénomène typiquement américain. L’avenir de Bombardier dépend donc en grande partie de l’engouement de nos voisins du sud pour le voyage en jet privé.

 

La Jetcard

C’est en 1997 que le système de JetCard a été créé : il s’agit essentiellement d’une carte de membre où le client paye pour avoir accès limité à un avion d’affaires. Avec ce système, il est possible d’acheter 25 ou encore 50 heures de vol sur un type d’avion ou encore sur tous les avions d’affaires de la même taille. Cela offre encore plus de flexibilité à l’utilisateur et permet de réduire encore les coûts d’utilisation puisque le client achète un service et non le bien.

Ce produit prendra un certain temps avant de gagner en popularité. Mais avec la COVID19, naît la crainte de contracter le virus et la demande pour la Jertcard va exploser aux États-Unis. Alors qu’en 2020, la plupart des analystes prédisaient un avenir sombre pour l’aviation d’affaires et Bombardier, c’est exactement le contraire qui va se produire. Après plusieurs mois de pose, le marché reprend de plus belle et au milieu de 2022, la demande est tellement forte que c’est le manque d’avion qui a freiné la croissance. La JetCard et la COVID auront multiplié par un facteur de cinq ou dix le nombre de clients potentiels pour cette industrie.

Voici un exemple qui permet d’illustrer l’ampleur du phénomène : certains des meilleurs joueurs de football de la NCAA demandent maintenant que l’Université qui les recrute leur fournisse les services jet privés. Bref, des jeunes hommes de 20 à 22 ans et d’origine parfois modeste sont déjà clients de cette industrie. Les universités ayant les plus importants programmes de football n’hésitent pas à offrir cet extra à leurs joueurs vedettes. En effet, les matchs de championnat du football universitaire sont disputés en décembre en pleine saison de la grippe.

Les services d’entretien

L’une des conséquences importantes de la forte croissance de l’aviation d’affaires aux États-Unis est une plus grande utilisation des appareils disponibles. Les avions volent plus et demandent donc plus d’entretien ainsi que de pièces. À son arrivée à la direction de Bombardier, Éric Martel a pris la décision d’investir dans le marché des services après-vente et le soutien aux clients. L’ouverture de nouveaux centres de service ainsi que l’agrandissement de ceux existant a permis à l’avionneur d’arriver avec le bon produit au bon moment. Ce n’est donc pas un hasard si cette portion des revenus monte en flèche.

L’autre tendance favorable est que les acheteurs confient l’entretien des avions au fabricant dans une plus grande proportion qu’avant. En juin dernier, Bombardier a même décroché une commande ferme pour 50 avions de la part d’un important opérateur et elle incluait les services d’entretien, c’était une première pour l’aviation d’affaires. Ce genre de commande permet à l’avionneur de faire une double trempette (double dip), elle fait un profit lors de la vente puis un autre avec l’entretien et cela donne des résultats financiers beaucoup plus savoureux.

La croissance du marché

La popularité de l’aviation d’affaires aux États-Unis coïncide avec la réduction du coût, cependant je n’irais pas jusqu’à dire que les Américains sont en train de démocratiser l’utilisation du jet privé, car je trouve que démocratisation et jet privé ne vont pas dans la même phrase. (Et pourtant, c’est ce que je viens de faire deux fois plutôt qu’une😜.) Mais il ne faudrait surtout pas tenter de rationaliser cette croissance actuelle, car malgré la baisse des coûts, il n’y a aucune logique économique qui justifie l’utilisation d’avion d’affaires pour les déplacements personnels.

Une pandémie, même si elle est localisée, est un argument beaucoup plus puissant que meilleur et le plus beau chiffrier Excel. De plus, la présence constante dans les médias de masse de la violence et de la criminalité attire une clientèle qui cherche la sécurité. Des gens, qui n’en ont normalement pas les moyens, choisissent le jet privé, même si cela est très dispendieux sans égard au gain réel de sécurité.

Vous pouvez également ajouter qu’avec la réduction du taux de vaccination, des maladies infectieuses qui avaient pratiquement disparu vont recommencer à circuler. Encore là, c’est une crainte viscérale qui va amener de nouveaux clients et cela n’aura rien à voir avec l’état de l’économie.

L’âge d’or

1% de la population américaine gagne plus de $750 000 par année et c’est donc un potentiel de 3,5 millions d’utilisateurs. Même s’il n’utilise un jet privé qu’une seule fois par année, cela fait beaucoup d’heures de vol. Cela fait maintenant depuis 2021 que l’aviation d’affaires ne cesse de croître aux États-Unis, allant de record en record. Selon moi, cette situation va se prolonger une dizaine d’années encore, et cela sans égard à la situation économique. Cette période sera l’âge d’or de l’aviation d’affaires. Pendant ce temps-là, Bombardier va vendre plus d’avions qui vont voler plus souvent entraînant une plus forte demande pour les services après-vente et une plus grande proportion de clients vont lui confier l’entretien des avions qu’elle a fabriqué. Bref, de belles années à venir.

>>> Suivez-nous sur Facebook et Twitter

One thought on “Bombardier et l’âge d’or de l’aviation d’affaires

  • louis martineau

    André Allard …En plein dans le mille cet éditorial en ce qui concerne le présent et le futur de Bombardier inc.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *