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La révolte des agents de bord d’Air Canada

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Au moment d’écrire ce texte, une entente de principe a été conclue entre Air Canada et Le Syndicat canadien de la Fonction publique qui représente les 10 00 agents de bord de la compagnie aérienne. Sur sa page Facebook, le SCFP affirme que le blitz de négociation a débuté à 19h00 lundi soir pour se terminer à 4h00 ce matin. Le syndicat s’est engagé à collaborer pleinement au processus de reprise des opérations. S’il s’agit d’un dénouement heureux pour les agents de bord, la compagnie aérienne et surtout pour les passagers en attente d’un vol de retour, il faudra attendre le vote des syndiquées* afin de confirmer la fin du conflit. En effet, depuis la fin de la pandémie, il n’est pas rare de voir des travailleurs syndiqués rejeter une première entente de principe : au cours de l’hiver 2023-2024, les 2 100 agents de bord d’Air Transat avaient rejeté deux ententes de principe et ce n’est qu’à 67% qu’elles avaient accepté l’arbitrage qui leur accordait des augmentations de 30% sur cinq ans.

 Une tendance lourde

Comme je l’ai mentionné plus haut, depuis la fin de la pandémie, plusieurs groupes de syndiqués ont montré un militantisme et une détermination à obtenir plus lors de négociations que l’on n’avait pas vus depuis le début des années 70. Ce phénomène n’est pas exclusif au Québec ni au Canada alors qu’il s’est produit un peu partout dans le monde; rappelons qu’au printemps 2024, les travailleurs américains de l’industrie automobile ont mené une de leur plus longue grève des dernières décennies. L’an dernier, ce sont les cheminots du CN et de CPKC qui ne voulaient rien entendre.

Il faut comprendre que la période de mondialisation qui s’est étendue sur près d’un demi-siècle de 1975 à 2022 a fait des ravages dans les emplois bien rémunérés dans les pays industrialisés: afin de garder leur emploi, les syndiqués ont été forcés à des concessions qu’ils ont réduit leurs conditions de travail. Pendant ce temps, les patrons des grandes entreprises ont vu leur rémunération explosée ainsi que les profits. Il s’est alors créé une perception qu’à chaque fois que des concessions sont demandées aux syndiqués, c’est pour permettre aux patrons et actionnaires de s’en mettre plein les poches. Qu’elle soit exacte ou fausse, cette affirmation a fait son chemin dans l’opinion publique et c’est ainsi que sont maintenant perçus les conflits de travail par une bonne partie de la population. Rappelez-vous qu’en 2023, les infirmières et les professeurs pouvaient compter sur le soutien de la population québécoise.

Le cas des agents de bord

C’est donc dans un contexte très défavorable à Air Canada que les 10 000 agents de bord ont décidé de tenir leur bout afin d’obtenir ce qu’elles considèrent être juste. Leur détermination à défier toute loi ou mesure les forçant à reprendre le travail aura pris tout le monde par surprise et surtout leurs patrons. Elles sont les premières à défier les règles fédérales qui font en sorte qu’il est très difficile d’obtenir une convention collective négociée alors que les employeurs ont tendance à se fier sur l’intervention du gouvernement afin de forcer une reprise des activités.

 Il faut dire que les agents de bord en ont gros sur le cœur, car au cours des 20 dernières années, elles ont vu leurs conditions de travail se détériorer tandis que l’employeur engrangeait les bénéfices. Le gros du litige porte sur les heures de travail non rémunérées qu’elles doivent effectuer et qui dans bien des cas fait baisser leur revenu en dessous du salaire minimum fédéral par heure où elles ont effectivement travaillé. Le hasard faisant bien les choses 😜, lundi soir, le gouvernement canadien lançait une consultation sur le travail non rémunéré dans le secteur du transport aérien.

Si leur détermination des syndiquées est grande, leurs attentes le sont également et ont peu s’attendre à ce qu’elles rejettent l’entente de principe si celle-ci ne rencontre pas le minimum qu’elles se sont fixé. La révolte pourrait alors se poursuivre. En d’autres termes, elles sont affamées et ce n’est pas une bouchée de pain qui va les rassasier.

La suite

En défiant le gouvernement canadien, les agents de bord ont ouvert la voie pour les prochaines négociations dans des entreprises relevant du fédéral. Il faut donc s’attendre à d’autres conflits et grèves dans les prochaines années.

*Étant donné que les agents de bord sont principalement des femmes, j’ai pris la liberté d’accorder au féminin lorsque les règles d’accord s’appliquent.

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