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Air Canada et Delta accros à l’A220

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En 2015, un vétéran de l’industrie aéronautique m’avait expliqué pourquoi l’A220, CSeries à l’époque, prendrait encore plusieurs années avant de devenir un grand succès commercial. Il avait souligné que lorsque les premiers clients deviendront accros, le succès de cet avion serait alors garanti. Huit ans et une pandémie plus tard, nous somment maintenant à deux ou trois ans de voir le carnet de commandes de l’A220 va exploser. Voici donc pourquoi :

Les transporteurs traditionnels 

Avec leur flotte d’appareils très diversifiée, les transporteurs traditionnels offrent toute la gamme de services et de routes. La rentabilité pour ces grandes compagnies aériennes est de toujours utiliser le bon type d’avion sur la bonne route et durant la bonne saison. C’est ce que l’on appelle l’optimisation de la flotte. Par exemple, sur la liaison Montréal-Vancouver, Air Canada exploite cinq vols directs par jour durant l’été : deux avec l’A330-300, deux avec le MAX8 et un avec le B777-300ER. Durant les périodes plus creuses, la compagnie aérienne réduit la fréquence à 4 vols par jour et remplace les MAX par des A220-300. Les MAX qui sont moins utilisés sur des routes intérieures peuvent alors être redéployés sur les destinations soleil entre autres.  

Ce qui est essentiel pour les compagnies aériennes traditionnelles, c’est de pouvoir compter sur une flotte diversifiée et polyvalente. C’est ce qui explique la très grande popularité des avions monocouloirs : ils peuvent être déployés sur pratiquement toute les routes continentales et permettent d’augmenter la fréquence tout en demeurant profitables. En fait, on peut dire que les grandes compagnies aériennes sont accros aux monocouloirs. Voici un petit tableau pour imager le tout, notez que les avions régionaux, CRJ, ERJ et Dash8 ne sont pas inclus.

Monocouloirs versus parc aérien total
Monocouloirs versus parc aérien total

Donc, bien que les transporteurs traditionnels gèrent une flotte hétéroclite, les monocouloirs constituent le cœur de leurs opérations. 

Le petit nouveau

Normalement, lorsqu’une compagnie aérienne place une commande afin de remplacer ses plus vieux avions, c’est du un pour un plus la croissance. Ainsi, une commande de 60 MAX servira à remplacer 50 B737NG ou encore des A320ceo remplacés par des neo. Puisqu’il s’agit de programmes d’avions bien établis, les risques sont faibles.

Mais pour un nouvel avion comme l’A220, les acheteurs sont très prudents. C’est normal puisqu’une commande se chiffre en milliards de dollars et est donc un très gros risque financier. Pour compenser cette incertitude, les premières compagnies aériennes qui achètent un nouvel arrivant sur le marché se négocient un escompte très substantiel. De plus, afin de minimiser encore plus le risque, les compagnies aériennes vont utiliser les options d’achat au contrat ; la commande ferme sera nettement inférieure aux besoins réels. Les options d’achat, qui ne sont pas contraignantes, permettront de combler les besoins et au bas prix de la commande ferme initiale si l’avion performe bien. Mais si au contraire c’est un floppe, les options d’achat ne seront pas utilisées, et cela sans pénalité pour l’acheteur. 

Les compagnies à bas prix

La stratégie des compagnies aériennes à bas prix repose habituellement sur l’utilisation d’un seul type d’appareil que l’on utilise à toutes les sauces. C’est donc au moment de la création de la compagnie que le choix d’un avion est déterminé. La marge de manœuvre de ces opérateurs est très mince et ne permet pas l’erreur. C’est donc sans surprise que l’on constate qu’aucun transporteur à bas prix n’ait commandé l’A220 depuis son lancement. 

Il est vrai que Breeze et Jetblue ont opté pour l’A220. Mais bien que ces deux compagnies puissent être définies comme des « Low Cost », elles n’opèrent pas qu’un seul type d’avion. 

Les accros

Air Canada et Delta Airlines ont donc été les deux premières grandes compagnies aériennes à se compromettre envers le CSeries. C’est à l’hiver 2019, que Delta en a débuté l’exploitation et Air Canada a suivi un an plus tard. La pandémie a nettement ralenti le rythme d’utilisation des avions ainsi que des livraisons. Mais cela n’a pas empêché Delta d’utiliser toutes ses options d’achat sur l’A220, en fait sa dernière commande a fait passer le total à 131 appareils commandés dont 86 en exploitation. De son côté, Air Canada a en main 30 A330-300 et en 30 de plus en commandes. Ces commandes supplémentaires viennent gonfler le carnet du fabricant. 

Ces deux clients sont maintenant accros à l’A220 et en veulent plus, car il génère des profits. Et justement, l’excellente rentabilité d’Air Canada et de Delta en fait un point de mire des milieux financiers. Dans l’aviation, la recette des compagnies les plus rentables finit toujours par être copiée. Préparez-vous, car d’ici deux ou trois ans, les commandes vont exploser. 

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One thought on “Air Canada et Delta accros à l’A220

  • Normand Hamel

    Le A220 permet également d’atteindre des destinations où certains opérateurs ne se rendaient pas au paravant faute d’appareils adéquats. De sorte que maintenant certaines villes peuvent être desservies directement alors qu’avant il fallait une correspondance.

    L’autre facteur qui joue en faveur du A220 c’est qu’au fur et à mesure que le nombre d’opérateurs augmente il devient de moins en moins risqué de se lancer dans l’aventure d’un nouveau type d’appareil. Par exemple en Orient il n’y avait jusqu’à récemment que Korean Air alors que bientôt viendra s’ajouter Quantas Link. En Europe Swiss était seul au début avec Air Baltic mais aujourd’hui on retrouve Air France parmi eux. Même chose aux États-Unis où Delta fut un pionnier mais aujourd’hui partage le marché avec Jet Blue et Breeze. C’est le principe de la saucisse Hygrade: plus il y aura de A220 en service plus les opérateurs apprécieront les avantages qu’il apporte, et parce qu’il y en aura davantage en service la demande ira en augmentant.

    De plus, la cadence de production commence à augmenter elle aussi et sera bientôt à 14 appareils par mois (10 à Mirabel et 4 à Mobile). Cela devrait rassurer les clients potentiels à l’effet que Airbus sera en mesure de livrer les appareils à un rythme soutenu, ce qui devrait faciliter la planification des nouvelles routes pour les opérateurs. C’est encore le principe Hygrade qui est à l’oeuvre ici: plus la production sera élevée plus la demande sera forte, et plus grande sera la demande plus élevée sera la production. On entre donc progressivement dans un cercle vertueux où l’avion deviendra de plus en plus populaire tout en étant de moins en moins coûteux à produire. Ce qui fait qu’éventuellement tout le monde y trouvera son compte.

    L’ironie c’est que l’inverse est en train de se produire avec le Boeing 737 qui se vend de moins en moins bien par rapport à son concurrent et qui coûte plus cher qu’avant à produire suite à la débâcle du MAX. La nouvelle réalité c’est que les saucisses de Boeing sont beaucoup moins fraiches qu’elles ne l’étaient avant, et moins elles seront fraiches moins on en mangera.

    https://www.youtube.com/watch?v=rEqK4QieavY

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