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Bombardier aéronautique, s’adapter pour survivre (Partie 1)

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Au début de 2015, les risques de chacun des projets de développement de nouveaux avions chez Bombardier s’additionnaient au point où l’entreprise se retrouvait dans une situation précaire; à son arrivée à la tête de Bombardier en février 2015, Alain Bellemare a hérité d’une entreprise chancelante.

 

Dès ses premières allocutions, M. Bellemare a clairement identifié la trop grande exposition au risque de Bombardier et qu’il n’excluait aucune solution afin de ramener Bombardier dans une zone acceptable. En novembre 2015, M. Bellemare et les autres membres du conseil exécutif de Bombardier ont présenté aux investisseurs un plan de redressement de cinq ans devant mener l’entreprise sur la voie de la rentabilité. Depuis cette présentation de novembre 2015, l’entreprise a atteint tous ses objectifs; trimestre après trimestre. La seule ombre au tableau est le flux de trésorerie inférieur de 600 M$ par rapport aux prévisions lors du troisième trimestre de 2018. L’impact qu’a eu ce manque à gagner temporaire sur l’entreprise soulève la fragilité des finances de Bombardier qui n’est pas encore sortie du bois.

 

Des trois divisions aéronautiques de Bombardier, celle des avions commerciaux est la moins performante alors qu’elle n’a généré aucun profit au cours des dernières années. Le lancement de la production du C Series n’est pas le seul facteur négatif à avoir pesé sur les finances de cette division alors que le Q400 était produit à perte.

 

Pour expliquer les problèmes de rentabilité des avions commerciaux, il faut regarder du côté de la guerre de prix que se livrent Airbus et Boeing depuis plus d’une dizaine d’années. Les escomptes de 50% sur le prix catalogue accordés aux compagnies aériennes sont maintenant devenus la norme plutôt que l’exception; quand on ajoute les bas taux d’intérêt au bas prix, cela a permis aux compagnies aériennes de réduire considérablement les frais de capitaux liés à l’acquisition des avions. Le résultat de cette guerre de prix est que les compagnies aériennes sont maintenant accros aux escomptes dont elles ont absolument besoin pour rester compétitives face à la vive concurrence.

 

Les trois plus petits fabricants, ATR, Bombardier et Embraer n’ont eu d’autres choix que de suivre cette guerre de prix afin d’obtenir des commandes. Mais ces derniers n’ayant pas les mêmes volumes de production que les deux géants, leur pouvoir d’achat et de négociation avec les fournisseurs étant plus faible, cela a affecté leur marge bénéficiaire qui a fondu comme neige au soleil.

 

Après la commande de 75 C Series placée par Delta Airlines en avril 2016, tous les espoirs étaient permis et les analystes s’attendaient à ce que les ventes se multiplient. Mais à l’été 2017, Bombardier n’avait pas obtenu une seule commande ferme de plus pour le C Series. Ce n’est pas que les compagnies aériennes ne s’y intéressaient pas, mais c’est le prix qu’elles étaient prêtes à payer qui posait problème. Le plan d’affaires original du C Series avait été élaboré bien avant que le prix de vente des avions de ligne ne baisse à ce point. À l’été 2017, il devenait alors de plus en plus évident que la rentabilité de ce programme serait difficile à atteindre, voire impossible. Ajouté à cela les droits compensatoires de 300% imposé par le gouvernement américain et on peut comprendre la décision de céder une participation majoritaire du C Series à Airbus.

 

Le coût de production du C Séries est d’ailleurs le premier élément qu’Airbus a soulevé

après la signature de l’entente historique en octobre 2017. Pour relancer le carnet de commandes, Airbus n’a pas hésité à consentir de généreux escomptes à JetBlue et Moxie; la majorité des pertes sur ces avions sera assumée par Airbus et non plus par Bombardier.

 

Le cas du Q400 est un peu plus complexe puisque la dernière version à 90 passagers a semblé attirer les acheteurs alors que les ventes reprenaient graduellement. Mais là encore ces ventes ont été obtenues à grands coups d’escomptes rendant le rendement de ce programme douteux. De plus, la vente des terrains où est située la ligne d’assemblage du Q400 impliquait un investissement de 200 M$ à 300 M$ afin de relocaliser ce programme d’avion vieux de 20 ans. Investir une telle somme dans le Q400 dont la rentabilité est incertaine représentait un risque de trop. Dans ces circonstances, l’offre de 300 M$ faite par Longview pour l’acquisition de toutes les licences de fabrication restantes de De Havilland Canada nous apparaît comme une excellente offre que Bombardier a bien fait d’accepter. Au final, cette vente aura donc un impact positif de 500 M$ à 600 M$ sur les finances de Bombardier; jamais le Q400 n’aurait été en mesure de générer autant de profit au cours des dix prochaines années.

 

Reste maintenant le sort du CRJ à déterminer. Si ce programme pouvait encore générer des profits lorsque Bombardier Avions commerciaux comptait plus d’un programme, la situation a changé car le CRJ doit maintenant absorber à lui seul tous les frais fixes liés à la production, la commercialisation et le service après-vente. La survie de ce programme d’avion passe donc par une revue en profondeur de l’organisation de Bombardier Avions commerciaux qui devra ajuster sa structure à la nouvelle réalité. Une réorganisation de la production et de l’outillage est aussi dans le collimateur des dirigeants de cette division.

 

Un fournisseur du CRJ nous a révélé avoir été approché par Bombardier afin de réduire ses prix. On sait également que la mise à jour de la suite avionique fait partie des modifications qui pourraient être apportées au CRJ; après Rockwell Collin qui a fait une offre, Garmin en aurait fait une très attrayante qui plairait beaucoup à la direction de Bombardier Avions commerciaux.

 

Le CRJ est donc aux soins intensifs pour les mois à venir et nous dirons que son état est préoccupant, mais stable pour le moment.

 

Demain on parles de la division des avions d’affaires.

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