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Combien coûte la fabrication d’un C Series (2ième partie)

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Ce texte a été publié une première fois en mai 2016. Avec la plainte de Boeing contre Bombardier la question du coût de fabrication du C Series a refait surface; j’ai donc actualisé le texte que je republie aujourd’hui.

Le coût de développement

Le coût de développement d’un avion comprend :

  • La conception et le développement de l’avion.
  • La mise au point du procédé de fabrication.
  • La conception de l’outillage nécessaire à l’assemblage.
  • La construction ou l’utilisation des bâtiments.
  • La fabrication de l’outillage.
  • Le support aux clients.

 

Notez ici que le support aux clients implique entre autres la formation du personnel d’entretien et des équipages qui doit être faite avant la livraison des premiers appareils.  Dans le cas du C Series, le total de ces coûts se chiffrait à 5,4 G$ au printemps de 2016.

La fameuse courbe d’apprentissage

Il existe une étape importante dans le développement d’un nouvel avion dont on parle moins et c’est la période de mise en production. Cette étape cruciale peut facilement faire doubler les coûts liés au lancement d’un programme d’un nouvel avion commercial. La mise en production de quelque bien industriel que ce soit comporte ce que l’on appelle une courbe d’apprentissage. Ce phénomène est lié au fait que plus un être humain reproduit la même tâche de fabrication un grand nombre de fois plus il deviendra efficace. Par conséquent, le nombre d’heures nécessaires à la fabrication d’une unité va aller en décroissant et la productivité et la rentabilité augmenteront avec le nombre d’unités produites.

 

La courbe d’apprentissage n’est pas unique à l’industrie aéronautique et existe dans tous les domaines. Selon les études compilées au cours des années, on peut dire qu’en général en aéronautique la courbe d’apprentissage fait en sorte que les coûts de production diminuent de 15% à chaque fois que le nombre d’unités produites est doublé. La courbe d’apprentissage en aéronautique implique que les 200 à 300 premières unités produites vont coûter plus cher à produire que ce qu’elles rapportent. À cela vient s’ajouter le fait que pour réussir à commercialiser un nouvel avion, il faut presque toujours consentir des rabais supérieurs à la moyenne afin d’attirer les nouveaux clients. Là encore, ce phénomène n’est pas unique au C Series et est plutôt la norme, c’est d’ailleurs le refus de le reconnaître par l’ancienne administration de Bombardier qui a nui considérablement aux ventes du C Series. Ce qu’il faut retenir, c’est que plus le lancement de la production est long, plus les coûts de production augmentent.

 

Le coût de production réel du C Series

Au printemps de 2016, le Président et Chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare, a affirmé à plusieurs reprises que le C Series commencerait à générer des surplus en 2020. Puisqu’ il était prévu qu’en 2020, ce sont Delta Airlines et Air Canada qui recevront le plus grand nombre de C Series, on peut en déduire que le coût de fabrication du C Series est légèrement inférieur au prix moyen que paieront Air Canada et Delta Airlines. Le prix de vente moyen se situant aux environs de 30,5 M$ le coût de production d’un C Series est probablement légèrement en dessous. Cette hypothèse était valable avant l’annonce des retards de livraison des moteurs et c’est probablement à partir de 2021 que le C Series commencera à être rentable.

 

Voici donc le coût de production du C Series tenant compte de la courbe d’apprentissage :

Courbe d'apprentissage du C Series
Courbe d’apprentissage du C Series

 

Avec cette courbe, Bombardier aurait besoin de produire de 300 à 325 C Series afin de faire passer le coût de production sous le prix de vente, ce qui est dans la bonne moyenne et définitivement mieux que le B787 par exemple, qui lui atteint son seuil de rentabilité après environs 600 appareils.

 

Selon les estimations, les coûts liées à la mise en production du C Series devraient varier de 2 à 3 G$. Si on les ajoute au coût de développement de 5,4 G$, on arrive à un total de  7,4 G$ 8,4 G$.

 

À partir de 2021, la courbe d’apprentissage du C Series devrait s’aplatir de façon considérable et le coût de production devrait se stabiliser à près de 26$ millions par unité vers 2030 à condition que la production demeure à 120 appareils par année.

 

 

N.B.

Les données que j’ai utilisées sont déjà toutes disponibles sur les sites spécialisés en aéronautique et ne sont aucunement confidentielles. Prenez bien note que si de nouvelles données différentes de celles-ci étaient publiées, le coût  de production du C Series pourrait changer.

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3 avis sur “Combien coûte la fabrication d’un C Series (2ième partie)

  • Nicholas

    Ne pas oublier qu’initialement le coût de développement était de 3,4 milliards et financé au tier chacun par Bombardier, les gouvernements (canadiens et britanniques) et finalement les risk sharing partners.

    Répondre
  • LADQ: « Bombardier aurait besoin de produire de 300 à 325 C Series afin de faire passer le coût de production sous le prix de vente, ce qui est dans la bonne moyenne et définitivement mieux que le B787 par exemple, qui lui aura besoin d’un minimum de 1 300 appareils produits pour atteindre le seuil de rentabilité. »

    Les coûts de production du 787 sont maintenant inférieurs aux prix de vente, ce qui fait que chaque avion vendu génère des liquidités additionnelles qui permettent à Boeing d’éponger sa dette qui a été arbitrairement répartie sur une tranche de 1,300 unités; le breakeven ayant été atteint à moins de 600 appareils construits. Il ne faut donc pas confondre le seuil de rentabilité et le breakeven (les coûts de production par rapport aux prix de vente).

    La différence entre Bombardier et Boeing est que le premier a déjà épongé sa dette en la radiant des livres tandis que le second a choisi de la répartir sur une tranche d’avions dont plus de la moitié n’ont pas encore été assemblés.

    En ce qui concerne la courbe d’apprentissage comme telle on peut maintenant dire que le 787 de Boeing se trouve présentement du bon côté de la courbe car ses coûts de production sont maintenant inférieurs aux prix de vente, tandis que le C Series de Bombardier a accumulé un retard important par rapport à l’endroit où il devrait présentement se situer sur la courbe. Ce qui reportera d’autant le breakeven, que l’on ne peut dorénavant plus attendre pour 2020 comme il était prévu.

    Il faudrait d’abord rattraper le retard accumulé, ce qui me parait mission impossible. Et il faudrait également ajouter de nouvelles infrastructures, car les installations actuelles ne permettent pas les cadences qui seraient nécessaires pour atteindre le breakeven.

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