Transport aérien

La difficile reprise du transport aérien

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Les images de la salle de récupération des bagages à Montréal-Trudeau ont fait la manchette dernièrement. Cela fait quelques semaines déjà que l’on entend parler des longues files d’attente surtout aux arrivées. Mais la situation n’est pas unique à Montréal et l’on pourrait presque dire qu’elle est moins pire qu’ailleurs. En cette année de reprise, le transport aérien connaît d’importantes ratées et voici pourquoi.

L’explosion de la demande

Le retrait des mesures sanitaires à l’entrée des pays a redonné le goût de voyager aux citoyens. Mais c’est comme si les gens avaient décidé de sauter dans le premier avion disponible, peu importe la destination. Dès le mois de mars, Air Canada voyait les réservations d’été pour les vols intérieurs grimper en flèche. En avril, la compagnie aérienne prévoyait rétablir 73 % de sa capacité pour le trimestre du printemps. L’objectif était de 75 % lors de la saison estivale. 

Les statistiques du transport aérien pour le printemps sont nettement au-dessus des prévisions d’Air Canada. Voici un tableau comparant le taux de fréquentation des grands aéroports canadiens en 2022 par rapport à 2019. Les données proviennent de l’ACSA*

Croissance du transport aérien au Canada en 2022
Croissance du transport aérien au Canada en 2022

La remontée a été rapide alors que presque tous les vols de toutes les compagnies aériennes se remplissent rapidement. Les statistiques récentes provenant du site de réservation en ligne Kayak.com nous donnent un aperçu de l’état de la demande. 

  • Globalement, les prix des vols d’été ont augmenté de 31 %
  • Les recherches de vols intérieurs ont augmenté de 210 % et les prix de 27 %
  • Les recherches de vols internationaux ont augmenté de 456 % et les prix de 17 %

Les goulots d’étranglement

Pour faire face à cette hausse de la demande, les compagnies aériennes ont augmenté leur capacité et ajoutée le personnel nécessaire. Mais trois goulots d’étranglement sont responsables des diverses ratées que connaît le transport aérien. Les contrôles de sécurité au départ, les contrôles douaniers à l’arrivée et la manutention des bagages. Deux de ces éléments ne sont pas du contrôle direct des compagnies aériennes. L’importance de ses problèmes varie énormément d’un aéroport à l’autre et d’un pays à l’autre. Au Canada et à Montréal en particulier, le manque d’agents des services frontaliers cause d’importante file d’attente. 

Reste la question de la manutention des bagages qui relève des compagnies aériennes et non pas des aéroports. Le manque de personnel des compagnies aériennes et de leurs sous-traitants explique cette situation. Mais ce sont les aéroports qui en subissent les contrecoups comme à Montréal-Trudeau. Plusieurs grands aéroports ont donc demandé aux compagnies aériennes de réduire leur nombre de vols cet été. Si les transporteurs n’en font qu’à leur tête, ce sont les aéroports vont se charger d’annuler les vols. 

Les conséquences

L’annulation des vols n’est certainement pas la situation idéale, mais c’est la bonne décision à prendre dans les circonstances. C’est ce qu’Air Canada a annoncé hier et d’autres compagnies aériennes feront sans doute de même dans les prochains jours. Les annulations planifiées vont permettre d’éviter le capharnaüm des dernières semaines. 

Pour ma part, je suis censé prendre l’avion pour Londres le 9 juillet prochain avec un retour le 22. Bien que je trouverais cela fort désagréable, la possibilité de voir mon voyage être annulé ne m’empêche pas de dormir. Au pire, ce serait une perte matérielle, mais sans aucune autre conséquence. Ce que je veux dire, c’est que de perdre ses vacances, ce n’est pas un problème de personne en situation de pauvreté ou de survie. Ma santé et ma survie ne dépendent pas de ce prochain voyage. Si mes vols sont annulés, je ne vais pas en faire une grosse histoire. 

De plus, mon arrivée à Londres se fait une semaine avant le spectacle aérien de Farnborough. Mon retour lui est prévu deux jours avant ma prochaine activité. Donc, il serait possible de changer les dates si mon transporteur me l’offre. Avoir de la flexibilité pour les dates de départ et de retour fait habituellement partie de ma planification de voyage. 

La pénurie de main-d’œuvre

En période de pénurie de main-d’œuvre, il devient de plus en plus difficile de recruter du personnel pour les opérations au sol. Travailler sur un aéroport est exigeant physiquement et mentalement. Aux heures de pointe, l’activité est intense, se déroule rapidement et s’y déplacer demande de la concentration. De plus, sur cette gigantesque dalle de béton la chaleur y est suffocante l’été et le vent est glacial l’hiver. Pour couronner le tout, les aéroports sont souvent loin des centres urbains et difficiles d’accès en transport en commun. Il faut souvent une voiture pour y accéder surtout pour les quarts de soir ou qui débutent avant six heure le matin. Ajouté à cela le fait que les salaires ne sont pas compétitifs et vous avec la recette parfaite pour une catastrophe. 

Le poste d’agent de rampe est très souvent occupé par de jeunes passionnés d’aviation. Mais il fait fuir les quadragénaires et les quinquagénaires qui profitent de la première occasion pour aller voir ailleurs. Avec le vieillissement de la population, le bassin de candidat potentiel rapetisse encore plus rapidement. Puisque l’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, il faudra augmenter considérablement les salaires et améliorer les conditions d’emplois. 

Pour corriger la situation, il faudrait viser un salaire horaire d’au moins 30 $. Ce taux est valide pour la région de Montréal et en dollars de juin 2022. Il faudra sans doute l’ajuster à la hausse pour l’été 2023. Mais je vous parie que les salaires ne vont pas augmenter et que le problème va perdurer. 

* Ce qui est mesuré

L’ACSTA publie deux chiffres, le premier est pour le nombre de passagers aux huit plus grands aéroports canadiens : Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax. Le deuxième chiffre comprend les huit premiers aéroports auxquels on ajoute ceux de Victoria, Kelowna, Saskatoon, Regina, Toronto-Billy-Bishop, Québec et St. John’s. Ces données excluent le personnel navigant et le personnel au sol qui sont contrôlés par l’ACSTA.

Les données de l’ACSTA ne contiennent que les passagers ayant embarqué dans un aéroport canadien. Les passagers provenant de l’étranger ne sont donc pas inclus dans ces statistiques. Mais il s’agit tout de même d’une bonne information qui permet de faire des comparaisons fiables. 

Notez que les aéroports publient leurs statistiques mensuelles avec un mois de retard. Toronto et Vancouver sont en retard de plusieurs mois. De plus, les administrations aéroportuaires comptabilisent les passagers payants et non payants ; il pourrait donc y avoir une différence de plus de 10 % entre les chiffres de l’ACSTA et ceux des aéroports. 

Notez également que pour le mois de juin, la comparaison va du 1e et 26.

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2 avis sur “La difficile reprise du transport aérien

  • L’aviation a depuis 20 tirée les salaires vers le bas, c’est le cas de nombreux métiers dans le domaine. Un agent de rampe à 30$, tout à fait.
    Mais quand on sait qu’un pilote commence à 41$ de l’heure volée. À peu près 43000$ brut annuel. Je me dis que nous avons un énorme problème à l’horizon. Des injustices très pesantes.
    Et dire que des grands gestionnaires n’ont rien vu venir 😂

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  • Christian

    Il ne faut pas oublier que durant la pandémie, le gouvernement n’a pratiquement rien fait pour soutenir le secteur de l’aviation canadien contrairement à plusieurs autres pays. C’est le résultat que l’on voit.

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