Aérospatiale

La mauvaise stratégie de Boeing

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Lors de la campagne électorale de 2015, les libéraux de Justin Trudeau en avaient contre le F-35. Ils avaient promis de relancer le processus d’appel d’offres pour le remplacement des CF-188*. Mais le retard pris et la flotte vieillissante des avions de chasse posaient un problème. Afin de maintenir ses engagements militaires, le Canada devait acquérir rapidement 18 avions de chasse. La solution la plus simple et la plus efficace était alors d’acheter 18 Super Hornet de Boeing. En effet, cet avion est une évolution des CF-188 et il est donc compatible avec celui-ci. Cela donnait un avantage important à Boeing pour le remplacement de toute la flotte. 

Les déboires de Boeing

Au printemps 2017, c’était pratiquement dans le sac pour Boeing. Mais son président à cette époque, M. Dennis Muilenburg a décidé de déposer une plainte de dumping contre Bombardier et le C Series. L’achat des 18 Super Hornet a donc été annulé et le gouvernement canadien a plutôt opté pour l’achat d’avions usagés australiens. 

L’ensemble de la communauté aéronautique avait jugé que la plainte de dumping était farfelue. L’arrogance de M. Muilenburg reposait sans doute sur le fait qu’il pourrait imposer ses choix au Canada. Au besoin, il pouvait faire appel au département d’État à Washington pour le soutenir pour la vente d’avions de chasse. Mais avant même que l’année 2017 ne se termine, Bombardier a cédé le contrôle du C Series à Airbus. Non seulement la plainte de Dumping a-t-elle été rejetée, mais la survie du C Series maintenant A220 a été assurée. 

Puis en en 2019, l’éclatement du scandale du B737 MAX va ternir l’image de Boeing auprès du public et des élus américains. Les ratés et les retards constants du KC-46 sont venus ajouter une couche de plus à la mauvaise réputation de Boeing. De nos jours, plusieurs sénateurs républicains souhaitent même lui retirer le contrat des avions ravitailleurs. Rares sont les élus du Congrès américain qui osent mettre leur tête sur le billot pour le géant déchu.

La stratégie de Lockheed Martin

 Pendant ce temps, Lockheed Martin continuait d’appliquer sa stratégie d’influence politique. En fait, depuis qu’elle a obtenu le contrat du Joint Strike Fighter, Lockheed Martin s’est lancé dans une vaste stratégie d’influence. Les tractations politiques font partie de l’histoire du F-35. 

La victoire des libéraux en 2015 a forcé Lockheed Martin à redoubler d’efforts afin de vendre le F-35 au Canada. Le fabricant a utilisé le département d’État afin d’inciter le Canada à choisir le F-35. Le Canada étant membre du programme F-35, il verse une contribution annuelle. En tout, le Canada a payé 613 M$ pour le développement du programme. Lockheed a menacé le Canada à plusieurs reprises depuis 2015 : les entreprises canadiennes qui participent actuellement au programme ne verraient pas leur contrat renouvelé si le Canada opte pour un autre avion de chasse. 

Un résultat désastreux pour Boeing

Quatre ans après avoir déposé la plainte de Dumping contre Bombardier et le C Series Boeing a beaucoup perdu. Juste cette année, le géant n’a même pas réussi à se qualifier pour le remplacement des CC-150 Polaris et des CF-188. 

De plus, l’A220 est maintenant assemblé aux États-Unis et vient encore hanter Boeing : sa seule présence sur le marché a forcé l’avionneur américain à réduire considérablement le prix de son B737MAX-7 pour conserver Southwest Airlines qui est son plus gros client. L’arrogance de M. Muilenburg aura coûté cher à Boeing.

La suite

Maintenant, le F-35 semble filer droit vers la victoire et devrait donc obtenir le contrat de remplacement des CF-188. Je n’ai rien contre SAAB et le Gripen, mais politiquement ils ne font pas le poids. 

Pour ma part, je crois encore que le Super-Hornet était la meilleure offre pour le Canada. Mais je ne suis pas un passéiste et je ne perdrai pas mon temps à critiquer cette décision. Tout comme je l’ai fait lors de la prise de contrôle du C Series par Airbus, je regarde vers l’avant et non vers l’arrière. Le Super Hornet est écarté… vive le F-35 ! Par contre, je compte bien rappeler Lockheed Martin à l’ordre lorsqu’il s’agit des retombées industrielles promises. 

Pour leur part, les militaires canadiens devront tirer le meilleur parti du nouvel avion de chasse qu’ils auront en main. Sa durée de vie étant de plus de trente ans, ils devront faire comme avec le reste de l’équipement : l’utiliser, l’aimer, le bichonner et l’entretenir jalousement. Abonnez-vous gratuitement à notre chaîne YouTube en cliquant ici

*La désignation canadienne du F/A-18 Hornet est le CF-188

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3 avis sur “La mauvaise stratégie de Boeing

  • Louis levesque

    On peut blamer M. Muilenburg pour la saga avec le canada, mais les CA et CEO précédents ont aussi leur part de responsabilité pour la mauvaise posture dans laquelle se retrouve Boeing.

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  • Guy Dion

    Bonjour, il y a une petite faute au quatrième paragraphe, on peut lire « lui retirer le contrat des avitailleurs », il doit s’agir de « ravitailleurs » 😉

    Merci pour votre excellent travail!

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    • André Allard

      Non c’est voulu : l’avitailleur est la personne qui fait le plein de carburant des avions. Puisque le terme s’utilise également pour un navire qui fait le ravitaillement des autres j’ai utiliser le terme pour un avion. Mais bon, suite à votre commentaire, j’ai poussé la recherche et il semble que le terme avion-ravitailleur soit plus approprié.

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