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Airbus : trouver la bonne correction de trajectoire

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Airbus est entré dans la crise de la COVID-19 en bien meilleure posture que Boeing sa rivale. L’avionneur européen compte sur une gamme très étendue d’avions de ligne qui couvre tous les segments de marché. La stratégie d’Airbus avec ses appareils monocouloirs a été très efficace. Le fabricant a réussi à éviter certains pièges lors de la remotorisation de la famille A320. Mais la COVID-19 remet tout en question alors que les besoins des compagnies aériennes changent rapidement et drastiquement.

La chaîne d’approvisionnement

La chaîne d’approvisionnement est un sujet de préoccupation majeur de toute l’industrie aérospatiale : un avion de ligne moderne comme l’A220 est constitué de plus de 3 millions de pièces. Il y a donc des milliers de systèmes qui sont fabriqués par des milliers de sous-traitants. Pour Airbus, il ne s’agit pas de savoir si un ou des fournisseurs vont faire défaut. La question est plutôt de savoir qui et quand? 

Qu’il s’agisse des moteurs, des systèmes hydrauliques, des boulons ou encore des rivets, tous les fournisseurs sont importants. Pour un fabricant d’avion, changer de fournisseur est un processus qui est long, compliqué et dispendieux. Il faut donc s’attendre à ce qu’Airbus soutienne directement ou indirectement ses fournisseurs les plus à risque. 

État de la situation

Au 31 juillet dernier, Airbus avait livré 245 appareils depuis le début de l’année contre 458 en 2019. Pour l’instant Airbus s’en sort donc plutôt bien avec ses livraisons. Cependant, l’inventaire d’avions complétés mais non livrés continue d’augmenter. Je suis parvenu à trouver une soixantaine d’appareils assemblés mais non livrés. L’A320neo représente la plus grosse part des avions non livrés avec 26. 

Au mois de juin dernier, Airbus a annoncé qu’elle réduisait de 40 % sa production d’avions civils. La compagnie a également annoncé qu’elle éliminerait 15 000 emplois dans le monde. Puis à la fin juillet elle a annoncée une nouvelle réduction de la cadence de l’A350. Tenant compte de l’état actuel de l’industrie du transport aérien et de la lenteur de la reprise, d’autres réductions seront nécessaires. Mais elles seront beaucoup moins importantes. 

L’A220

Airbus Canada a toujours comme objectif de revenir à la cadence de production d’avant la COVID-19. L’usine de Mirabel a été à l’arrêt pendant six semaines. trois A220 devraient sortir de la ligne d’assemblage en septembre et quatre au cours des mois suivants. 

Delta Airlines est le plus gros client de ce programme et celui qui devait en recevoir le plus cette année. La compagnie aérienne a suspendu toutes les livraisons d’avions neufs depuis la mi-mars. Elle a 14 A220-100 en commande et 50 A220-300 et au moins cinq appareils sont prêts pour la livraison. Le premier A220-300 assemblé à Mobile en Alabama est prêt et attend que Delta vienne le cueillir. 

L’A220 continue de bien performer et d’afficher un très haut taux d’activité. L’A220-300 a un coût d’opération par siège par mile disponible qui est très près de celui de l’A320neo. Sa plus petite taille en fait donc un avion plus économique que l’A320 et le B737-800. La faiblesse du marché des prochaines années va le rendre très populaire auprès des compagnies aériennes. Air Canada n’hésite pas à l’utiliser en remplacement d’A320 sur des routes continentales. 

Par ailleurs, le porte étendard canadien continue de réceptionner les avions neufs à mesure qu’ils sont complétés. En juillet, le PDG d’Air Canada, M. Calin Rovinescu, a soulevé la possibilité d’annuler la commande d’A220. Il est important de comprendre le contexte de cette déclaration : M. Rovinescu soulignait qu’Air Canada avait perdu 89 % de ses revenus et que les restrictions de voyage lui étaient extrêmement dommageables. Il a alors mentionné que si le gouvernement canadien ne levait pas bientôt les restrictions cela compromettrait l’avenir d’Air Canada. La compagnie serait alors forcée d’annuler sa commande de B737MAX et ultimement celle d’A220.

L’A319neo

L’avionneur européen n’a engrangé que 84 commandes ferme d’A319neo. À son arrivée sur le marché, l’A319 avait connu une certaine popularité et a décroché près de 1 500 commandes. Mais les compagnies aériennes le boudent maintenant car son coût d’opération est presque le même que l’A320. De plus, son poids est nettement supérieur à celui de l’A22-300. 

Puisqu’il est certifié et qu’il peut être produit sur la même ligne d’assemblage que l’A320neo, aussi bien le garder. Mais il demeure un avion de niche pour les courtes pistes, les aéroports en altitude et la conversion en avion d’affaires. 

L’A320neo

L’A320 est l’avion qui a véritablement permis Airbus de devenir le géant qu’il est maintenant. C’est de loin son modèle le plus vendu et sa vache à lait. Au 31 juillet, le carnet de commandes de l’A320neo s’élevait à 2 900 unités. Depuis le début de la pandémie, il affiche un taux d’utilisation supérieur à la moyenne. Mais dans la mesure du possible, les compagnies préfèrent nettement repousser les livraisons d’A320 à plus tard. 

Avant le début de la pandémie, les compagnies aériennes aimaient cet avion mais sans plus. L’arrivée sur le marché de l’A321neo plus grand et plus rentable lui faisait de l’ombre. La forte baisse du volume de passagers qu’a connue l’industrie du transport aérien rend l’A320neo dispendieux à opérer. La plus petite taille de L’A220-300 est maintenant plus adaptée aux vols continentaux et régionaux. 

Le retour en service du B737MAX en 2021 pose également un important problème. Airbus a réussi à reprendre un bon rythme avec 31 livraisons d’A320neo en juillet. Mais les compagnies aériennes et le marché ont une capacité absorption de nouveaux avions très limitée. Lorsque le MAX sera autorisé à voler de nouveau, les 375 appareils déjà livrés seront remis en service. À cela il faut ajouter les 400 autres que Boeing voudra se dépêcher de livrer. Pour les compagnies aériennes, cela fait beaucoup d’avions à financer.

Avant d’accepter de nouveaux avions, les compagnies aériennes voudront sans doute renégocier certaines clauses dont le prix. 2021 sera une année très difficile et il faut s’attendre à une augmentation marquée des annulations.

L’A321neo

Avant la COVID-19, les compagnies aériennes étaient amoureuses de l’A321neo car cet avion avait la rentabilité d’une planche à billet. Mais tout comme l’A320neo, il est maintenant trop gros pour les vols continentaux. 

Dans une catégorie à part

L’A321LR et XLR sont dans une catégorie complètement à part et ont un excellent futur chez Airbus. Ils peuvent faire tout ce que font l’A320neo et l’A321neo mais en plus ils peuvent faire des vols transatlantiques. Ces deux variantes ont été développée dans le but de remplir un vide dans le segment intermédiaire. L’A321LR et XLR sont une solution de remplacement ses B757 et B767 vieillissants construits par sa rivale. Airbus a su bien identifier le besoin et y apporter une solution à bon prix. 

Avant la pandémie, le marché des vols transatlantiques était le plus gros marché intercontinental. Mais il faudra beaucoup de temps avant de revenir au niveau de 2019. Durant les cinq prochaines années l’A321LR et XLR seront des avions très en demande. Durant cette période, Airbus pourra sans doute réussir à convaincre certains clients de passer de l’A320 à l’A321LR ou XLR. Le plus gros défaut de ces deux avions en ce moment c’est qu’il n’y en a pas assez sur le marché. Il faut dire que le premier A321XLR n’a toujours pas volé. Mais Airbus accélère son développement afin de pouvoir plus rapidement répondre à la demande. 

L’A330

Avec un total de près de 1 800 commandes, l’A330 est le gros porteur le plus populaire d’Airbus. Avant la pandémie, c’était l’avion idéal pour les routes transatlantiques de moyenne densité. Il faut dire que le rendement économique de cet avion long-courrier était particulièrement bon. Mais c’est maintenant l’un des avions les plus remisé et sa valeur marchande a chuté de près de 45 %. Il est devenu trop gros pour les routes de 4 000 nm mais il n’a pas assez de distance franchissable pour remplacer les très gros porteurs. 

De 2008 à 20015, la production annuelle d’A330 était supérieure à 70 unités. Les compagnies aériennes qui avaient opté pour le crédit-bail peuvent donc les retourner aux locateur sans pénalité. Dans le marché des long-courriers, les volumes sont beaucoup plus petits et le moindre surplus est important. Dans le contexte de la COVID-19, une vingtaine d’A330 en fin de bail cette année c’est beaucoup.

Il y a bien l’A330-900 qui est en début d’existence, mais lui aussi souffre de la faiblesse du marché. Delta Airlines a toujours 30 A330-900 en commande ce qui représente presque 10 % du total. Ce client aura un rôle déterminant pour le futur de ce programme d’avion. Si la compagnie américaine décide d’annuler sa commande, cela pourrait signifier la fin de l’A330. 

L’A350

Airbus a développé l’A350 en réponse à la popularité du B787 dont il est un concurrent direct. Durant la pandémie, l’A350 se débrouille très bien avec un taux d’activité d’environ 65%. Mais l’industrie du transport aérien est en crise et elle n’a pas d’appétit pour les avions neufs. C’est particulièrement vrai pour les gros porteurs dont le coût d’acquisition tourne autour de 150 M$. Dans le contexte de la pandémie, les avions de la taille de l’A350 drainent rapidement les capitaux disponibles. 

Les reports de livraisons et annulations sont à prévoir surtout pour l’A350-1000. Mais au bout du compte, cet avion devrait être en mesure de passer au travers de cette crise. 

Conclusion

La crise fera mal et elle va laisser des traces, mais la situation d’Airbus est loin d’être désespérée. Sa large gamme d’avion lui permet de s’adapter aux besoins changeants des compagnies aériennes. Des ajustements devront être apportés mais il n’est pas nécessaire de virer la maison à l’envers. Les ajustements de main d’œuvre seront très certainement douloureux mais c’est un passage obligé. 

Avec L’A321LR et XLR, Airbus dispose de deux gros atouts afin d’augmenter sa domination dans le monocouloir. En ce moment, aucun autre avion en production n’offre des performances et caractéristiques similaires. Or, il se trouve que c’est un produit qui est très en demande. Mais le plus important pour le constructeur, c’est qu’il dispose toujours d’une vache à lait afin de générer des liquidités. 

Afin de préserver ses liquidités, l’avionneur européen doit absolument réduire ses investissements en recherche et développement. De toute manière, les besoins des compagnies aériennes évoluent trop rapidement pour plancher sur un nouvel avion. 

Les gouvernements et les banques centrales ont mis en place plusieurs programmes d’assistance financière. Pour un géant comme Airbus dont la santé financière est bonne, l’accès aux capitaux est relativement facile. De plus, les taux d’intérêts sont à un creux historique. Le fabricant peut donc augmenter son taux d’endettement sans trop hypothéquer son avenir. Pour Airbus, il s’agit d’identifier les bonnes corrections de trajectoires à apporter et de les réviser au besoin. 

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