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Aviation civile, il n’y aura pas de gagnants

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L’aviation civile est durement touchée par la crise économique engendrée par la COVID-19. Depuis quelques jours les compagnies aériennes et les fabricants en aéronautique multiplient les annonces d’importantes mises à pied. Confrontés à l’ampleur de cette crise, nous avons le réflexe de chercher une lueur d’espoir. Certains se lancent dans de belles analyses afin de prévoir qui seront les gagnants et les perdants; mais en ce moment, la seule prédiction qui est valable c’est que l’aviation civile sera fortement ébranlée par cette crise. 

Les compagnies aériennes

Les compagnies aériennes ont été les premières à voir venir la crise économique actuelle. Dès le début du mois de février, les transporteurs aériens ont noté un important ralentissement des réservations. Puis au début du mois de mars, la plupart des grandes compagnies avaient un taux de réservation négatif; c’est-à-dire qu’elles enregistraient plus d’annulations que de nouvelles réservations. 

Le système de réservation permet aux voyageurs d’acheter leurs billets jusqu’à un an à l’avance. En général, les dirigeants des compagnies aériennes utilisent les données des réservations afin de prédire la demande. Dernièrement, Air Canada, American, Delta, United et Southwest ont toutes publiées leurs résultats trimestriels. Pourtant, aucun président de ces compagnies n’ose se prononcer sur ce que sera la demande à l’automne. Certains refusent même de s’avancer sur la demande de la saison estivale à venir. Alors je vous pose la question suivante : si eux ne peuvent savoir ce que sera la demande au-delà de cet été, qui peux prétendre le savoir?

Par contre, tous les présidents de ces compagnies aériennes s’entendent sur deux choses : l’aviation civile vit ses moments les plus difficiles et la taille de leur entreprise sera nettement diminuée après la crise.

Par rapport à l’an dernier, les réservations ont baisser d’environs 90% à 95% pour le trimestre en cours. Ce qui veut dire que le taux d’occupation des vols est anémique.  En ce moment, aucune compagnie aérienne n’a un modèle d’affaires qui est viable. Se fier sur les opérations actuelles pour tenter de prédire l’avenir est inutile. Le volume de passagers est beaucoup trop faible pour être représentatif de quelque tendance que ce soit. Les gestionnaires des compagnies aériennes l’ont compris.

Attention au mythe

Lors d’une récession, les compagnies ont tendance à utiliser les avions les plus petits et à mettre de côté les plus gros; en situation de crise, c’est le coût d’opération qui est la donnée de base. Il va de soi qu’en générale, les plus petits avions sont moins dispendieux. Mais tous les petits avions ne sont pas économiquement viables en situation de crise : Air Canada et Américan ont annoncé le retrait immédiat de tous leurs E-190 de moins de 100 passagers. 

Ce retrait hâtif a beaucoup plus à voir avec le coût d’entretien élevé du moteur CF-34-10 de l’E-190 que de sa taille. En situation de crise, les meilleurs paraissent encore meilleurs et les cancres sont encore plus cancres. (Cette affirmation s’applique tant aux humains qu’aux avions). Dites-vous que les bons avions seront plus utilisés et les moins bons seront retirés. La taille des avions variera en fonction des besoins et des marchés spécifiques. 

Il n’y a pas de formule magique et les besoins varieront beaucoup d’une compagnie aérienne à l’autre : en ce moment Air Canada exploite plus de gros porteurs que d’avions monocouloirs. Se baser uniquement sur la taille d’un avion c’est se contenter de perpétuer un mythe sans se poser de question. La décision de retirer ou non un type d’appareil repose sur plusieurs données spécifiques à chaque compagnie aérienne. 

L’industrie aérospatiale

Si les compagnies aériennes ne sont pas en mesures de prédire la demande à moyen et long terme, les fabricants d’avions sont dans le noir total et pour longtemps. 

Les objectifs à court terme sont simples : travailler avec les compagnies aériennes pour réduire le nombre d’annulations, éviter de reporter trop de livraisons et voir à la survie de la chaîne d’approvisionnement.

Mais pour survivre à la crise, il faudra également réduire les dépenses de manière importante. Malheureusement, cela voudra dire de nombreuses et douloureuses mises à pied. Le meilleur conseil que l’on puisse donner aux gens de l’industrie aérospatiale est le suivant : cramponnez-vous car l’impact est imminent et il sera violent. 

La demande pour les avions neufs sera affectée pour plusieurs années. Même les meilleurs avions verront leur production réduite de manière considérable. D’ici 2023, aucun programme d’avions n’atteindra ses objectifs de livraisons. 

Conclusion

La valeur d’une analyse repose en grande partie sur la qualité des données utilisées. Or en ce moment, le niveau d’activité de l’aviation civile est trop faible pour offrir des données représentatives. De plus, la situation mondiale comporte encore beaucoup trop d’incertitude Les dirigeants des compagnies aériennes attendent d’avoir de bonnes données avant de se prononcer sur ce que sera le futur.

 Toutes les compagnies aériennes, tous les fabricants d’avions devront réduire leur taille au cours des prochains mois. L’objectif à court terme est de survivre à l’année 2020. Puis l’espoir pour 2021 est de retrouver la rentabilité. Mais cette crise ne fera pas de gagnants, il n’y aura que des survivants. L’aviation civile traverse ses pires moments et il faut espérer pour le mieux. 

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