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Des B737MAX à prix de liquidation?

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D’ici la fin de 2020, la plupart des États vont lever l’interdiction de vol sur le B737MAX. Pour ma part, j’ai mentionné à plusieurs reprises que cette étape signifiait le début des vrais problèmes de Boeing. Plus le temps passe et plus mon opinion à ce sujet est renforcée. 

Les compagnies aériennes

Alors que la deuxième vague de COVID-19 sévit, le transport aérien continue d’être anémique. L’International Air Transport Association (IATA) compte plus 180 compagnies membres représentant 80 % du trafic mondial en 2019. Selon l’IATA, de janvier à juin 2020, les pertes cumulatives des membres étaient de 17 G USD par mois. Pour la deuxième moitié de 2020, l’IATA anticipe une moyenne de déficit mensuel de 13 G USD. L’association prévoit également que les déficits mensuels vont se poursuivre tout au long de 2021. 

Afin de réduire au maximum leurs pertes, les compagnies aériennes coupent dans toutes les dépenses. La réduction de la taille de la flotte d’avions en service est une des mesures principales qu’elles utilisent. Nous sommes également au début d’une gigantesque vague de mises à pied au niveau mondial. Au milieu de 2021, les compagnies aériennes n’auront plus les finances et les employés leur permettant de rebondir rapidement. Les transporteurs aériens auront donc besoin de plusieurs années avant de revenir au niveau d’avant la COVID-19. 

Le surplus d’inventaire de B737MAX

Après l’interdiction de vol du MAX, Boeing a réduit sa cadence de production à 42 appareils par mois. Ce n’est qu’à la fin de décembre 2019, que le fabricant s’est résolu à presque arrêter la production du B737MAX. Pendant ce temps, plus de 400 appareils neufs étaient accumulés à la sortie de l’usine. Certains de ces appareils n’ont toujours pas trouvé preneur ; il s’agit essentiellement d’avions achetés par des compagnies de crédit-bail qui n’ont pas été placés. 

Puis la COVID-19 est venue réduire à néant la demande mondiale de transport aérien. Plusieurs clients qui avaient des MAX en commande avaient également une clause d’annulation en cas de retard de livraison. Au mois de septembre dernier, Boeing avait déjà reçu plusieurs centaine d’annulation. La majorité de ses annulations étaient pour des avions non assemblés. Mais après une recherche rapide, j’ai été en mesure d’identifier 59 B737MAX assemblés dont la commande a été annulée. Mais le nombre réel se situe probablement au-delà de 100 appareils invendus. 

Les retours de location

Il y a un dicton qui dit « qu’un malheur ne vient jamais seul » et dans le cas de Boeing c’est on ne peut plus vrai. Les compagnies de crédit-bail représentent environ 25 % des achat d’avions. Pour un avion neuf, la durée du bail varie habituellement de cinq à dix ans. 

À chaque année donc, un nombre important d’avions arrivent à la fin de leur bail et doivent être loués à nouveau. En temps normal, cela ne pose aucun problème puisqu’il y a toujours de la demande pour de bons avions usagés. Mais 2020 est une année qui est loin de la normalité et 2021 sera de même. 

J’ai préparé un tableau des livraisons d’avions monocouloir d’Airbus et Boeing de 2011 à 2016. J’ai considéré cette période puisque ce sont les baux des avions livrés durant ce temps-là qui viennent à échéance. La colonne de droite représente 25 % des monocouloirs livrés durant la période. 

B737MAX à prix de liquidation
Boeing-Airbus livraisons momocouloirs

Si on fait une moyenne des appareils en location pour les années 2011-12-13-14-15 cela donne 228 retours de location en 2020. Très peu de ces appareils ont trouvé preneur auprès d’une compagnie aérienne. En 2021, c’est 240 monocouloirs de plus qui seront retournés aux locateurs. Pour la période 2020-24, c’est près de 1 000 monocouloirs qui seront disponibles pour la location. 

Les prix à la baisse

Autant d’avions qui sont disponibles avec une demande pratiquement nulle pousse les prix à la baisse. 

La firme d’analystes Ishka Global évalue les monocouloirs usagés de la manière suivante : 

B737MAX à prix de liquidation
Valeur monocouloirs usagés

Depuis le début de la deuxième décennie du 21e siècle, il y a eu une explosion des commandes d’avions. Les constructeurs ont augmenté les cadences de production afin de répondre à la demande. Nous assistons donc à un renversement brutal de la demande dont il est encore difficile de mesurer l’ampleur. On ne peut prévoir où exactement s’arrêtera la baisse des prix, mais c’est derniers ne remonteront pas de sitôt. 

Écouler l’inventaire de B737MAX

C’est dans ce contexte très difficile que Boeing doit trouver des clients pour ses B737MAX déjà assemblés. Ryan Air a manifesté son intérêt et des rumeurs ont circulé concernant Alaska Airlines et Delta Airlines. Mais à ce jour rien de concret pour une commande substantielle. Je serais fort surpris qu’il y ait un déblocage majeur avec une compagnie aérienne avant la deuxième moitié de 2021. 

Les quelques acheteurs disponibles veulent surtout savoir jusqu’où Boeing est prête à descendre afin de se débarrasser de ses MAX. Ils ont le gros bout du bâton et peuvent attendre encore longtemps avant de se décider; tant que le prix des avions usagés est aussi bas, la valeur du B737MAX demeure basse elle aussi malgré les économies de carburant qu’il offre. 

Dans le contexte actuel, les B737MAX flambant neufs ne valent pas plus que 30 M $. Est-ce que Boeing est prête à les céder à ce prix? 

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18 avis sur “Des B737MAX à prix de liquidation?

  • Normand Hamel

    Ce qui risque d’arriver aussi c’est que non seulement plusieurs compagnies aériennes pourraient faire faillite mais certaines entreprises de crédit-bail également. Ce qui aurait pour effet de faire augmenter encore davantage le nombre d’avions disponibles sur le marché. Autrement dit non seulement la situation est loin d’être résorbée mais entre temps elle pourrait même s’aggraver.

    L’ironie est que autant l’aviation était encore jusqu’à récemment dans un cycle de croissance qui paraissait infinie, et ce depuis plusieurs années déjà, autant elle semble aujourd’hui s’être engagée dans un cycle infernal de décroissance. Et il est très difficile de dire combien de temps tout cela durera, surtout que nous ne savons même pas combien de temps la crise sanitaire elle-même durera.

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  • MarcelC.

    Il semble que l’EASA soit en mesure d’autoriser un retour en service du MAX d’ici la fin de l’année. Cela soulève des questions. La position actuelle de l’agence européenne serait-elle en contradiction avec ses positions initiales?

    Par exemple, ceux-ci devaient évaluer les qualités intrinsèques de vol du MAX, notamment son comportement avec le MCAS désactivé afin, disaient-ils, de comprendre le rôle exacte de ce système. On devait réaliser des vols d’essai en poussant l’appareil dans ses limites de vol, soit jusqu’au décrochage. Ces vols d’essai ont-ils été effectués?

    Il y a exactement un an, l’EASA avait déclaré qu’un défaut structurel ou conceptuel ne pouvait être compensé par les habiletés du pilote. Qu’en est-il maintenant? Il serait intéressant de connaître le contenu de la formation que devront recevoir les pilotes en simulateur de vol. Car le MAX possède des défauts structurels qui devront éventuellement être compenser par ceux-ci.

    Avec le temps, j’ai l’impression que ce dossier technique s’est graduellement politisé. Si la remise en service de l’avion découle de priorités autres que celle de la sécurité, il s’agirait alors d’un important changement de paradigme.

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  • paradoxalement, les compagnies aériennes qui ont commandés des MAX et qui n’ont pas à prendre livraison de leur avions se trouvent dans une situation favorable parce qu’elles n’ont pas à dépenser de l’argent pour ça.

    En plus certaines compagnies aériennes pourraient avoir quelques concessions commerciales.

    Il faut bien regarder tous les aspects et la conclusion peut être très différente de ce que beaucoup de gens pensent.

    Actuellement, Boeing a déjà mis à pieds des milliers d’employés depuis 2019. Le coût de production a donc été amélioré même pour les 737 MAX à produire dans le futur.

    Je vous demande de bien réfléchir à tout ça en comparant la situation à Airbus qui ont du prendre des mesures seulement depuis cette été. On peut même comparer la situation avec Airbus Canada dont le budget a été fait au début de l’année avec une hypothèse de livraisons qui ne seront pas tenu. Je crains qu’Airbus Canada doit prendre d’autres emprunts ou même de mettre à pied des employés.

    Je ne fais que vous dire que la situation n’est pas forcément celle qu’on veut croire être.

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    • André Allard

      Airbus n’est pas dans la même situation que Boeing car elle n’a pas 400 avions neufs en inventaire. De plus, comme elle n’est pas en retard de plus d’un an dans ses livraisons, il est beaucoup plus difficile pour les clients d’annuler les commandes.

      Au cours du dernier trimestre, Airbus a considérablement accéléré les livraisons d’avions et ce n’est pas pour rien car à mon avis elle cherche à livrer le plus d’avions possible au prix du contrat avant que le marché et le prix des avions neufs ne s’effondre.

      Ce n’est qu’à partir du milieu de 2021 qu’Airbus va vraiment commencer à subir le plus dur des conséquences de la crise actuelle. Mais à ce moment là, Boeing sera dans la M jusqu’au cou.

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    • Guillaume

      C est désolant a dire mais, Je suis d’accord que ce qui est inquiétant pour airbus c est qu’ il n y ai pas de licenciements.

      Avec un chiffre d affaire qui tournera a 60%? du chiffre de 2019, cela devrait se traduire en réductions de coûts fixe.

      La faiblesse d Airbus a toujours été sa trop faible marge d exploitation.

      Je pense que pour l instant, comme les gouvernements, ils planifient en espérant une reprise forte, mais on sais tous qu’ elle ne viendra jamais.

      Ils devront forcément prendre des décisions difficile si ils ne veulent pas sortir de la crise avec des coûts fixes beaucoup trop important face a Boeing qui a fait un grand ménage et va pouvoir produire moins cher.

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  • En fait, Boeing est déjà au fond du trou en septembre 2020.
    Ils ont pris 25 milliards de dollars de dettes en avril tout en refusant de prendre des aides du gouvernement américain. Ils veulent absolument garder leur indépendance vis-à-vis de la politique. En plus, je crois ils se préparent pour attaquer n’importe quel constructeur aéronautique qui prend de l’aide gouvernementale.

    A partir de la fin de cette année, la livraison de 737 MAX va peut être recommencer et la majorité de l’argent sera payé par les clients. Il y a donc un peu plus de 400 avions déjà construits et donc des coûts déjà dépensés.

    Comme j’ai dit précédemment, il faut bien regarder tous les éléments et penser calmement. La situation n’est pas nécessairement celle que vous souhaitez croire être.

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    • Guillaume

      Par contre, je serai curieux de savoir si la taxe européenne sur le 737max sera appliquée sur le prix catalogue, où sur le prix de vente réel. 😁

      Le gouvernement français semble bien décidé à prendre sa revanche.

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  • CLAUDE BOULAY

    Air Canada a déjà 24 MAX qui seront remis en services et devra négocier avec beaucoup de clients qui ne voudront pas voler sur le MAX. Alors j’ai l’impression qu’AC ne sera pas pressé de prendre livraison des 26 autres MAX. Le taux de remplissage des avions ne sera pas très élevé pour la prochaine année. American, United, SouthWest et Westjet seront soumis aux mêmes conditions. Donc je ne pense pas que la majorité des 400 seront livrés. Pour Airbus Canada lorsque Delta aura former ses pilotes plus anciens au A220 , elle recommencera à prendre livraison des A220. Le premier vol régulier du A220-300 est prévu pour le 16 novembre et d’autres destinations le 25 novembre. À la différence du MAX les passagers veulent voler sur le A220.

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    • En fait, comme ça a été discuté dans un autre billet de blog de André, la bonne majorité des passagers ne savent pas trop dans quel avion ils volent.
      Puis il ne faut pas oublier que tous les avions ne volent pas forcément sur les mêmes routes.

      Air Canada va se rendre vite compte quel avion fait plus de profit. Je ne dit pas que c’est le 737 MAX. Une fois ils ont compris quel avion leur est profitable, il peuvent prendre la décision qui s’impose.

      Grosso modo, je dis que s’en fout de l’opinion des passagers tant qu’il y en a suffisamment qui volent.

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      • ERIC TREMBLAY

        Un certain % de passagers comprendront parfaitement que le vol proposé est sur un 737Max, et voudront probablement choisir un autre vol. (La proportion de passagers voulant connaître cette info a passablement augmenté, disont).

        Air Canada va bien sûr tenir compte de ce comportement dans le calcul de rentabilité d’un appareil.

        Pas sûr que le Max va bien s’en tirer. (Le CASM du 737Max8 est effectivement très concurrentiel, mais si le RASM plante à chaque fois…)

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        • André Allard

          Entre le crash d’Ethiopian qui est survenus le dimanche le 10 mars, les sites de réservation en ligne qui n’affichaient pas le type d’appareil on vue leurs ventes chuter drastiquement. Dès la nuit du 11 au 12 mars, elles avaient déjà toutes ajoutées cette information sur leur site. Les temps ont changés et de nos jours les voyageurs ont tous un cellulaire avec eux qui leur permet d’être branchés sur l’actualité en continue. Ceux qui pensent que les gens vont réagir de la même manière en 2021 qu’en 1980 se trompent.Dès que le MAX va reprendre du service, il va faire partie de l’actualité et les voyageurs seront au courant.

          Nous sommes dans un contexte où les vols ne seront emplis qu’à 40 % ou 50 % durant les deux prochaines années; par conséquent le CASM ne vaut rien et c’est plutôt le trip cost qu’il faut regarder. 80 passagers dans un A220-300 rapportant autant que dans un MAX8 mais le coût d’exploitation est plus bas sur l’A220. De plus, en 2021, ne perdre ne serait-ce que quelques passagers par vol c’est déjà beaucoup trop. Enfin, les gens qui vont voyager en 2021 ne sont pas des touristes mais plutôt des voyageurs fréquents qui savent où trouver le type d’avion sur leur réservation.

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        • Guillaume

          Pour refuser d embarquer et demander un remboursement il faut une raison valable.

          Le PDF de rayanair a été clair sur le sujet, ils n ont pas a dire a l avance quel avion va être mis en ligne, et ceux qui ne voudront pas partir en max seront libre de rester là où ils sont, sans remboursement.

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          • Nicolas

            Exactement, et même si tu choisi un appareil X rien ne dit qu’il ne sera pas remplacé plus tard par un appareil Y, particulièrement chez les transporteurs avec une flotte diversifiée.

          • André Allard

            Contrairement à RyanAir, Southwest entend annoncé à ses passagers s’il s’agit d’in MAX et ne les forcera pas à monter à bord. C’est également le cas pour American et United.

          • Nicolas

            Oui mais tu risques de devoir attendre plusieurs heures ou même au lendemain. Et c’est une politique assez facile à respecter vu que la flotte de Max est plutôt marginal, on s’en reparlera dans 2 ou 3 ans s’ils le font encore… Ce sera encore plus difficile au Canada avec les 2 plus gros transporteurs qui auront une flotte de monocouloirs majoritairement composée de Max.

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