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Portrait du Transport aérien régional

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En plus des 5,5 millions de décès recensés, la COVID-19 a également perturbé le transport aérien. Près deux ans plus tard, Les Ailes du Québec jette un coup d’œil sur l’état du transport aérien régional québécois. En utilisant les données fournies par Cirium, nous sommes en mesure de tracer un portrait de la situation. 

Le début de la crise

En mars 2020, le transport aérien mondial s’est littéralement écroulé en deux semaines seulement. À la fin de mars, le nombre de passagers prenant l’avion avait chuté de 90 %. Jamais une industrie n’avait connu une telle chute de la demande en aussi peu de temps. Les compagnies aériennes se sont alors retrouvées en modes survie ; elles ont coupé les routes et fait des mises à pied par dizaine de milliers de personnes. En quelques semaines, c’est plus de 200 000 employés qui perdent leur emploi au niveau mondial. 

Le transport aérien régional québécois n’a pas été épargné par les impacts de la COVID-19. Dès le mois d’avril 2020, Québec a débloqué une somme de 40 M$ afin de venir en aide aux transporteurs régionaux. Ce programme a été prolongé et il prendra fin en mars 2022. Puis en mai, le transport aérien régional québécois entre en crise. En effet, c’est à ce moment-là qu’Air Canada annonce la suspension toutes ses liaisons régionales. 

Il faudra attendre au mois d’avril 2021 avant que le fédéral, qui a la responsabilité du transport aérien, n’agisse. Le programme d’aide du fédéral prévoit une somme de 59 M$ pour le Québec. 

L’évolution du transport aérien au Québec

Pour visualiser l’impactent des programmes d’aide, j’ai produit un graphique : 

Transport aérien régional, nombre de vols mensuel
Transport aérien régional, nombre de vols mensuel

Il s’agit du total mensuel du nombre de vols effectués dans les différentes régions du Québec. Il inclut tous les vols effectués par Air Canada, Air Creebec, Air inuit, Air Liaison, PAL et Pascan. Le tableau couvre la période de février 2020 à février 2022. Pour les mois de janvier et février 2022, il s’agit d’une prévision basée sur les horaires des compagnies aériennes. 

Des compagnies prennent la place

Le graphique permet de constater qu’après le choc de retrait d’Air Canada d’autres ont pris la place. Trois compagnies se distinguent à ce chapitre, il s’agit Air Liaison, PAL et Pascan. Voici donc un tableau permettant de faire une comparaison entre février 2020 et février 2022. 

Transport aérien régional, comparaison 20-22
Transport aérien régional, comparaison 20-22

Le tableau contient trois informations, le nombre de vols, le nombre de sièges offerts et le nombre de sièges mille disponibles (SMD) : pour obtenir le nombre de sièges offerts, il suffit de multiplier le nombre de vols qu’effectue un avion par le nombre de sièges qu’il contient. Le SMD lui s’obtient en multipliant le nombre de sièges disponibles par la distance parcourue en mile. 

Le tableau nous permet donc de constater que près de 80 % des vols sont revenus ainsi que 66 % des sièges. Pour certaines régions, la situation est loin d’être critique. En fait si l’on reprend le même tableau, mais sans Air Canada l’on obtient le résultat suivant :

Comparaison 20-22 sans Air Canada
Comparaison 20-22 sans Air Canada

Mis à part Air Creebec, les autres transporteurs s’en sortent plutôt bien. Voici une carte permettant de faire la comparaison :

Comparaison 2020-22
Comparaison 2020-22

Bref, la plupart des régions ont encore accès à une desserte aérienne surtout celles qui sont isolées. On peut donc conclure que les interventions ponctuelles ont servi.

L’âge de la flotte

Rien de tel qu’un tableau pour se faire une idée de l’état de la flotte d’avions affectée au transport aérien régional.

Transport aérien régional, âge de la flotte
Transport aérien régional, âge de la flotte

Comme on peut le constater, la moyenne d’âge est plutôt élevée. Je tiens à souligner que l’âge avancé des appareils n’affecte en rien la sécurité aérienne. Il est tout à fait possible d’entretenir de manière sécuritaire un avion de plus 30 ans. Plusieurs compagnies aériennes l’ont déjà fait avec succès. Cependant c’est sur les frais d’exploitation que l’âge d’un avion risque le plus d’avoir des conséquences.

La plupart des avions de 36 passagers et moins se sont vendus à quelques centaines d’exemplaires seulement. Cela implique que le nombre de pièces usagées en circulation est plutôt faible. Se tourner vers le fabricant d’origine et acheter des pièces neuves est plus dispendieux. Puisque ce sont de vieux avions, ils sont pesants et consomment beaucoup de carburant. De plus, leur poids élevé par siège disponible augmente les frais d’atterrissage. 

Même si les transporteurs souhaitaient renouveler leur flotte, les options sont plutôt limitées. Dans la catégorie des 50 passagers et moins, il n’y a que l’ATR 42-600 qui est encore en production. Mais je souligne que son premier vol remonte à 1986. Dans les avions de 19 à 36 passagers, il n’y a rien de récent actuellement en production. 

Les frais aéroportuaires

C’est en février 2018 que Québec a tenu le sommet sur le transport aérien régional. Le sommet s’était penché entre autres sur les tarifs aériens élevés au Québec. L’un des constats était les frais aéroportuaires élevés ; ils représentent de 30 % à 40 % du prix du billet. 

L’un des problèmes identifiés était le mauvais état de bien des installations aéroportuaires. Afin de remédier à la situation, Québec avait débloqué une enveloppe de 100 M$ pour les aéroports. Ce programme s’est ajouté au programme fédéral d’aide aux infrastructures aéroportuaires. Plusieurs aéroports en ont profité pour améliorer et agrandir leurs installations. 

Bien que je me réjouisse des investissements réalisés, je crains qu’ils n’aient un effet pervers : les programmes d’aides et de financement ne couvrent jamais 100 % des travaux. Les gouvernements municipaux, qui sont propriétaires des aéroports, ont donc été obligés de contribuer eux aussi. Les nouvelles installations risquent d’entraîner des frais supplémentaires. Il sera alors facile de refiler la facture aux transporteurs aériens. 

En résumé, le problème des frais aéroportuaires élevés n’est toujours pas réglé.

Conclusion

Comme c’est souvent le cas lors d’une crise, les gouvernements sont efficaces lorsqu’il s’agit de faire une intervention rapide. Mais ils peinent à trouver des solutions à long terme. Québec doit déposer sa politique de transport aérien régional avant le déclenchement des élections à l’automne. Pour que ce plan rapporte des points au niveau politique, il devra forcément plaire aux élus en région. Remarquez que je ne suis pas contre le fait que les élus municipaux fassent leurs représentations. Mais les besoins des compagnies aériennes doivent également être pris en considération pour trouver une solution viable. 

 À court terme, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue, il faut simplement assurer la pérennité des entreprises existantes. Il faut surtout éviter les pièges comme la mise en service d’une flotte d’avions trop gros. Il est important de prendre en considération les données démographiques. Plusieurs municipalités desservies par une compagnie aérienne comptent moins de 50 000 habitants. Il serait illusoire de penser qu’au Québec une flotte de Dash8-400 peut être rentabilisée 12 mois par années. En fait, il n’y a que quelques liaisons régionales permettant l’exploitation rentable d’avions de 72 passagers et plus. D’ailleurs, Air Canada continue d’opérer ces quelques routes. Pour le reste, elle a pris des ententes avec PAL et Pascan afin de combler ses besoins. 

La suprématie du béton sur l’aluminium

Depuis 2018, les sommes investies dans les programmes d’aide aux aéroports dépassent celles consenties aux transporteurs. Quand il s’agit de faire un chèque, les politiciens préfèrent le béton à l’aluminium. Cela se reflète dans les programmes d’aides au transport aérien régional. Or, les compagnies aériennes auront besoin d’avions plus récents pour maintenir le service. Il est temps de mettre un terme à la suprématie du béton sur l’aluminium.

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One thought on “Portrait du Transport aérien régional

  • Myriam

    Bonne analyse. Quebec a toutes les cartes en mains pour trouver une solution et ce n’est pas sorcier. C’est tout de même un peu triste de voir certains élus des régions pousser pour Treq et ses Q400. On leur a vendu du rêve mais ont-ils réellement analysé le plan d’affaires avec des gens indépendants qui s’y connaissent dans le domaine? J’ai de très gros doutes.

    Treq c’est la lubie d’un homme d’affaires. Ca fait des années que ça tourne en rond et que ça refait surface périodiquement avec une nouvelle mouture et un nouveau nom.

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